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16 février 2024 5 16 /02 /février /2024 12:04

Référence : Florence Aubenas, "Le Quai de Ouistreham", éditions de L'Olivier, 276 pages, février 2010
Prix Jean Amila-Meckert 2010, prix joseph Kessel 2010 et Globe de cristal 2011, catégorie " littérature et essai"

       

« La crise. On ne parlait que de ça, mais sans savoir réellement qu'en dire, ni comment en prendre la mesure. Tout donnait l'impression d'un monde en train de s'écrouler. Et pourtant, autour de nous, les choses semblaient toujours à leur place. J'ai décidé de partir dans une ville française où je n'ai aucune attache, pour chercher anonymement du travail... »
Florence Aubenas

Entre travail temporaire et chômage

Le quai de Ouistreham [1] se présente comme une enquête-témoignage minutieuse de six mois dans le milieu des gens qui galèrent dans les petits boulots et le travail précaire du genre femmes de ménage, des boulots à temps partiel qui ne permettent pas d’en vivre.
Toujours les mêmes petits boulots, que ce soit à L’Immaculé, au terminal du ferry ou au camping du Cheval blanc.
C'est également une réflexion sur les mécanismes de l'exclusion sociale, ce qui signifie le mot « crise » pour ceux qui la vivent au quotidien.

Pour cette expérience, elle choisit la ville de Caen, une ville qui connaît quelques difficultés depuis la fin de Moulinex, jouant la femme de ménage sans formation, sans expérience professionnelle, bouche-trous, "transparente" car dit-elle, « mes relations de travail consistent pour l’essentiel à me faire oublier… ».

 

Elle y découvre le cynisme des officines privées de placement, un Pôle emploi dépassé par l’ampleur de ses missions, des employés pas vraiment motivés. [2] On se contente d'offrir aux chômeurs des stages de formation souvent sans grand intérêt pour masquer les problèmes. 

Elle aussi fait le parcours du combattant des petits boulots, en particulier le nettoyage des ferries assurant la liaison entre Caen-Ouistreham et Portsmouth, rencontrant des gens qui ne vivent que dans le présent immédiat, la plupart sans perspectives d’avenir et sans grande envie de se battre, dépassés par la dureté de leur condition.

                    
La méprise                                 Grand reporter

Dans cette expérience, elle devra beaucoup accepter pour en retirer peu d’avantages, s’abaisser pour décrocher un petit emploi à temps partiel, éviter de répondre aux provocations : « Je cours d’une chose à l’autre, écrit-elle, maladroite, toujours en retard d’un reproche. » La dureté du travail tient autant au travail à la chaîne qu’à la mentalité des "petits chefs" qui renforce la pression qu’elles subissent.

Ses deux copines de galère Victoria et Fanfan avaient réuni à créer une section syndicale pour défendre tous ces déclassés qui sont d’abord des femmes. Mais la peur de tomber encore plus bas retient la majorité d’entre elles, témoin le pot de Laetitia où beaucoup ne viendront pas. Comme lui disait Victoria : « Tu verras, tu deviens invisible quand tu es femme de ménage. »

Florence Aubenas brosse le panorama d’une situation où la crise a amplifié les difficultés des plus pauvres et déstructuré leur système de survie.  

       
                                La fabrication de l'information    Résister, c'est créer


Sur le fond
* Constat toujours d'actualité ? La crise, celle de 2008 sur les "subprimes", de 2015 sur la déflation, celle due au covid ou à l'Ukraine ? Et celle de 2001 sur les valeurs Internet pour remonter plus loin. Il faut toujours un bouc-émissaire.
- Qu'est-on prêt à accepter, jusqu'où peut aller l'exploitation ? (mondialisation = paupérisation des pays riches ?) - Libéralisme = loi offre/demande --> chômage + position infériorité (rôle syndical).
-
Ça donne pas envie : boulots pourri, environnement pourri --> refus de tournage.

* Le relationnel : dureté/mépris
l'égoïsme des Museau, des guichetiers de pôle emploi... la rapacité des employeurs. Chacun dans sa bulle : "Je suis devenu invisible." p77 (idem p 176)
- la guerre entre elles (les vieilles p 117)
- structurées en clans fermés (p 181-82) - on se venge sur plus faible que soi (p 184-87)


* Le ferry : Mauricette, petits chefs & négriers
- pas de travail mais "faire des heures"
à comment ne pas vivre de son travail
- la pression  & la peur (d’aller au pot de Laetitia) p 116 & suivantes
- Le bouche-trous ex p 135

    Florence Aubenas & Juliette Binoche

* Les passions
- le CV comme un miracle  créant des emplois + les stages bidon (cf p 160 Mme Poiret), rêvent d'un CDI pour la vie (p 180)
à chômage =fortune assuré des boîtes de formation.
- la peur quand chômeurs investissent l’agence + n’ose pas refuser une heure de ménage (p 150) : corvéable à merci
- la "zone d'inactivité" & les friches p 177 --> considérées comme bouche-trous & kleenex.
- le traumatisme Moulinex p 165


* Parfois un îlot de tendresse : Sylvie la coco syndicaliste + Mozart qui répare gratis (p 162)

- Un peu d'espoir au salon de la propreté (p 191) et un peu d’humanité (de bons moments) à Tempête blanche de Louvigny & à la zac de Colombelles avec Marguerite & Françoise (p 200).

* Nostalgie : la SMN, quand le passé remonte (p 231)
- toujours manque de collectif : personne à réunion sur heures sup (Sylvie p 233)



Elles s'appellent Léa, Emily, Hélène, Patricia, Évelyne, Léa, Didier... [3]

Notes et références
[1] Ce roman a été adapté pour France Culture en 2010-2011 et au théâtre mis en scène par Louise Vignaud, jouée à Lyon en 2018
[2] Par exemple, cette confidence : « Il faut recevoir les gens en temps et en heure, sinon une alerte se déclenche sur nos ordinateurs... Les primes sautent, la notation chute. »
[3] Actrices non professionnelles comme Évelyne Porée (la cheffe), Hélène Lambert (Christelle l'amie de Mariane Winckler)

   Image du film

Voir aussi
* Günter wallraff, Tête de turc, éditions de La découverte, 1986 --
* Jack London, Le peuple d'en bas, éditions Phébus, 1999 --
* George Orwell, Le quai de Wigan, éditions Ivréa, 1982 --
(cf également "Quai de Wigan et quai de Ouistreham, même combat", comparaison des 2 ouvrages par Pierre Ansay, Politique, revue débats n° 65, juin 2010)
* Barbara Ehrenreich, "L'Amérique pauvre. Comment ne pas survivre en travaillant", 2001, En français, éditions Grasset, 2004 et édition poche 10/18, 2005
* Elsa Fayner, "Et pourtant je me suis levée tôt… Une immersion dans le quotidien des travailleurs précaires", Paris, éditions du Panama, 2008

** L'inconnu de la poste --  Mon site Société --

Sur le même thème
* Madeleine Riffaut, Les Linges de la nuit, Julliard, 1974, réédité en 1998 et 2021
* Robert Linhart, L'établi, 1978
* Élisabeth Filhol, Bois II, et La Centrale, éditions POL, 2010
* Günter Walraff, Tête de turc, 1985, Parmi les perdants du meilleur des monde, 2010 --

<<< Christian Broussas - Ouistreham -  Juin 2013 - • ©• cjb • ©• >>>
 
 
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20 août 2021 5 20 /08 /août /2021 05:42

 


Présentation
En matière de dépôts sauvages, il faut distinguer les déchets des particuliers et les déchets des entreprises qui ne sont pas de même nature.  Les premiers ont l’inconvénient d’être souvent disséminés dans la nature, les seconds concernent des masses plus importantes et peuvent contenir des produits dangereux.

L’argument souvent avancé par les intéressés consiste à dire que la déchetterie est trop loin de chez eux, les horaires inadaptés, l’attente trop longue, surtout dans les zones rurales aux conditions requises par telle ou telle déchetterie. (Avoir un badge, service payant pour certains professionnels, refus de certains produits dangereux…)

Toute personne peut signaler une décharge sauvage en se connectant au programme Sentinellesdelanature.fr qui possède son application mobile.

 

           



Sur le plan juridique, c’est le maire qui est compétent dans ce domaine car il détient le pouvoir de police :
- Article L2212-2-1 du code des collectivités territoriales ;
- Article L 541-3 du code de l’environnement.
Tout le monde –personne physique ou morale- peut informer le maire d’un dépôt sauvage et lui demander de mettre en demeure le responsable de les évacuer et de les éliminer dans un délai défini.
Le préfet peut aussi mettre en demeure le maire d’intervenir.

 

           

 

Qu’en est-il d’un dépôt sur un terrain privé ?
- D’abord, faire dresser un PV par le maire ou la gendarmerie accompagné de témoignages et pièces justificatives et transmis au parquet;

- Le maire ou le préfet peut obliger le propriétaire défaillant à nettoyer les lieux ou, s’il a pris toutes les mesures nécessaires pour éviter une telle situation et si l’on connaît l’auteur de l’infraction,  ou lui envoyer une mise en demeure.
- Le propriétaire peut aussi être mis dans l’obligation de nettoyer les lieux s’il  l’exécution d’office des travaux peut être ordonnée.
- En cas de location, le nettoyage des lieux peut lui incomber.
(Cour d’appel Paris, 8/7/2004, Garges-Les-Gonesse c/Selectibanque)

 

                    

 

Les sanctions prévues par l’article L541-46
cet article du code de l’environnement stipule :

« Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait d’abandonner, déposer ou faire déposer, dans des conditions contraires aux dispositions du présent chapitre, des déchets. »

 

Le tribunal peut aussi ordonner, sous astreinte, la remise en état des lieux.
La peine peut atteindre 7 ans de prison et 150 000 € d'amende si l'infraction est commise en bande organisée.
(Article 132-71 du code pénal. »
Si le maire reste inactif, il peut engager la responsabilité de la commune. (Conseil d’État, Commune de Merfy, 28 octobre 1977, N° 95537)

 

 

Spécificité de gestion des déchets pour le BTP

La filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) dédiée aux matériaux de construction du bâtiment, créée par la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, entrera en vigueur au 1er janvier 2022. Elle devrait avoir un impact majeur sur les dépôts sauvages.
- Reprise gratuite de ces déchets, s’ils sont triés par la filière REP.
- Création d’un réseau de points de collecte pour que le BTP ait accès à des points de collecte accessibles et gratuits.

Quelques actions possibles

Lutter contre les déchets sauvages, c’est créer des aménagements adaptés, une signalisation, installer des brigades de la propreté ou de "réseaux d’ambassadeurs", organiser des opérations de ramassage des déchets, etc.

Le plan de propreté a déjà fait ses preuves dans beaucoup de villes. C’est une démarche complète qui prévoit à la fois des actions de prévention, de sensibilisation et de communication (distribution de documentations, manifestations…), un système de collecte et des sanctions fixées par les textes. (voir Les déchets dans le code pénal )

La propreté est devenue un enjeu majeur, au même titre que la préservation de l’environnement et du cadre de vie, reposant sur la lutte contre l'incivilité et le non-respect. Il est important de vérifier au préalable le niveau des moyens existants : corbeilles, canipoches, matériels de nettoyage, n° de téléphone pour signaler une anomalie...

 

Parmi les actions pédagogiques et de sensibilisation les plus diffusées, on peut retenir pour agir en particulier sur les comportements :
   - Les actions de communication : jeunes publics, médiateurs propreté, nettoyage des rues, semaine de la propreté, participation à un projet de classe…
   - Création de supports, démarche participative, médiation auprès des usagers, verbalisation et suivi des réclamations.



Un exemple de procédure visant les dépôts sauvages

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<< Christian Broussas, Dépôts sauvages, 06/08/2021 © • cjb • © >>
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20 août 2021 5 20 /08 /août /2021 05:37

 Référence : Béatrice Delaurenti, Thomas Le Roux (dir), De la contagion, préface de Thomas Piketti, éditions Vendémiaire, 440 pages, octobre 2020

 

Des usages divers du mot "contagion"

                  

 

La définition du concept de contagion que les auteurs nous proposent ici est éminemment large et couvre le champ d’application du socio-culturel aussi bien que du médical car « la contagion, loin d’être uniquement un concept médical, est un processus omniprésent dans le monde d’aujourd’hui, aussi bien à l’échelle des nations qu’à celle des événements les plus infimes de notre vie quotidienne. »

Le Dictionnaire historique Robert de la langue française précise bien que le sens médical du mot est très spécifique. L'origine du mot vient de "contactus", qui signifie "toucher, attouchement". La prééminence de son sens médical, surtout à l'époque contemporaine, a largement gommé ses autres sens, et d'abord son sens moral. La contagion n'est pas uniquement le fait d'agents infectieux qui se transmettent mais aussi le fait de phénomènes émotionnels.

 

         

 

On peut donc dire que la contagion représente une façon de parler des échanges physiques et moraux entre personnes, rejoignant les sciences sociales qui ouvrent largement le champ du concept.

Le plan médical est celui qui vient immédiatement à l’esprit, surtout dans le contexte actuel, avec les épidémies qui ont marqué l’histoire du monde, les peurs du Moyen-âge, la variole au XVIIIe siècle, à celles plus récentes des maladies infectieuses, de la lèpre, de la peste au choléra.

 

                   

 

Au-delà de l’actualité, on passe ainsi de l’Antiquité à l’époque contemporaine jusqu’à l’assimilation de l’antisémitisme à une maladie contagieuse. On passe aussi de la diffusion du Covid-19 à une pandémie mondiale, à la pollution généralisée des espaces naturels.

À partir de là, les auteurs abordent la diffusion de mouvements sociaux tels que les mouvements de foule, ceux qui se propagent à travers les réseaux sociaux, les modes de consommation (modes vestimentaires, musique), les attaques de hackers, l’essaimage très dangereux de particules radioactives…

 

            

 

Ils parlent aussi de types de contagions plus générales comme dans le passé les possessions démoniaques, la diffusion des innovations chez les enlumineurs ou les sculpteurs du Moyen Âge ou plus récemment le partage mondialisé des connaissances par la mise à disposition informatique de bases de données.

 

Les auteurs ont privilégié une approche historique dans leurs exemples, que ce soit dans la transmission des coutumes dans les écrits chinois, la contamination des mœurs dans la Rome antique, les conséquences des modes de colonisation en Afrique ou de façon plus cocasse de l'arrivée de la valse allemande en France, espèce de défoulement après une période de Terreur.

 

  

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<< Christian Broussas, De la contagion, 04/08/2021 © • cjb • © >>
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19 août 2021 4 19 /08 /août /2021 22:40

Sur la pollution lumineuse

     
                                Mauvaise luminosité - Bonne luminosité

 

La démarche générale

Évaluer la pollution lumineuse suppose de définir objectifs et moyens et de poser un diagnostic selon 3 couleurs (en élargissant le spectre si nécessaire) :
- Résultats positifs : vert
- Résultats acceptables : jaune-orange
- Résultats mauvais : rouge


Le défi consiste bien entendu à passer du rouge au jaune et du jaune au vert, selon une démarche bien définie et d'un point de vue général :
* En définissant les objectifs et en prévoyant les moyens adaptés,
* En répertoriant les acteurs concernés par le dispositif, aussi bien la population que les acteurs publics et privés parties prenantes au dispositif,
* En listant les dispositifs existants, leurs avantages et leurs inconvénients,
(Voir aussi la section "Les principes d'un bon éclairage")
*
En cartographiant la zone géographique concernée,
* En planifiant la réalisation des objectifs définis (diagramme des tâches par exemple),
* En auditant les opérations réalisées tenant compte du respect des délais prévus, du positionnement de chaque opération selon le schéma rouge/jaune-orange/vert,
* En effectuant un bilan global.

 

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Le coût de la pollution lumineuse : gaspillage énergétique + Santé + Environnement
•  Éclairages inadaptés/mal conçus/inutiles • Gêne pour les particuliers
•  Émissions de CO2 (Sommeil de mauvaise qualité / Maladies (cancer, dépression,...)•Absence de spiritualité, de créativité (ciel non visible)
• Perte de biodiversité (faune/flore) /Perte de services éco systémiques (pollinisation, résistances faune, perturbation chaines de nourriture...)
• Difficulté d’observations astronomiques, découvertes scientifiques
• Perte de racines culturelles, patrimoine nocturne + Perte de possibilité de créer l’altruisme

 

         
Samuel Challéat, Sauver la nuit, éditions Premier Parallèle

 

Les principes d’un bon éclairage :,
1 Évaluer les différents besoins,
2. Vérifier que son emplacement est adéquat et prévoir les changements à effectuer,
3. Contrôler sa bonne orientation et sa bonne intensité,

4. Contrôler la durée et le temps d'éclairage(quand est-ce nécessaire ?),
5. Tester la température selon les couleurs, sachant que les couleurs chaudes sont réputées moins nuisibles.

 

 

L'arrêté du 27 décembre 2018 : (application en 2020)

Pour maîtriser le flux lumineux, il est interdit de diriger la lumière vers le ciel. L’arrêté exige que sur les nouvelles installations de lampadaires l’ULR (Upward Light Ratio) soit inférieur à 1%. C’est-à-dire que le flux lumineux ne doit pas dépasser la ligne horizontale du luminaire LED.

 


Seuils des températures couleur en Kelvins

 

L’unité choisie pour mesurer la température de couleur d’une lumière est le Kelvin. Plus le nombre de degrés est faible, plus la couleur est chaude.
Dorénavant, les équipements lumineux ne doivent plus dépasser 3000 Kelvins pour un meilleur confort visuel. Ce qui correspond à une lumière blanche chaude utilisée habituellement pour des ampoules domestiques.

Au-dessus de ce seuil, la lumière équivaut à celle du jour, perturbant la biodiversité. Par exemple, les insectes pollinisateurs ont réduit de 62% leurs visites nocturnes dans les zones trop éclairées.
Désormais aussi, il faudra adapter l’éclairage nocturne aux conditions de son environnement, plus d’éclairage systématique et maximum pendant tout le spectre nocturne par exemple.

 

De la notion de corridor biologique

 
Corridor biologique et réserves 

 

Aménager le territoire a consisté pendant trop longtemps à créer des équipements et des structures favorisant l’essor économique (autoroutes, remembrement…) au détriment de la faune et de la flore qui à force ne peuvent plus communiquer avec leur milieu naturel.
D’où une prise de conscience (récente) de ces effets et des solutions à mettre en œuvre pour "réparer les dégâts" autant que faire se peut et dégager une stratégie basée sur la notion de corridor biologique.

 

    Exemple de pont-corridor
 

Le corridor biologique (ou écologique) désigne au moins un milieu reliant plusieurs habitats vitaux pour une espèce ou une population. Ces milieux naturels indispensables à la circulation de la faune et de la flore (propagules) pour satisfaire leurs besoins (manger, dormir, hiberner, se protéger de prédateurs, se reproduire, se reposer) ont souvent été endommagés par les activités humaines et une technologie prédatrice. Il faut donc "réparer" (reconnecter) dans la mesure du possible les circuits et structures écopaysagères.
C’est en quelque sorte comme réparer les mailles d’un filet percé (en plus complexe).

 

 
Corridors continus et discontinus

 

La plupart du temps, deux solutions sont utilisées : restaurer les mailles du réseau d'un habitat fragmenté, protéger ou restaurer les habitats endommagés. Cette évolution a progressivement engendré une législation pour protéger ces milieux, ensemble de textes aussi bien locaux que nationaux selon le niveau d'intervention, aussi bien préventifs que curatifs selon l'état du réseau.

On a recours à des procédés assez simples comme créer un pont au-dessus d'une autoroute pour faciliter la circulation des animaux ou une échelle à poissons pour permettre aux poissons de circuler dans un cours d'eau comme celle qui permet aux saumons de pouvoir franchir un obstacle.

 
Les tritons tracent leur liaison bio

On peut aussi mettre en place des moyens plus importants en réalisant par exemple des "couloirs d'eau" pour permettre une circulation des eaux interrompue par la construction d'un barrage. On en trouve un bel exemple au sud de Lyon avec la création sur le Rhône du barrage de Pierre-Bénite où la construction des couloirs d'eau a permis de réalimenter les zones humides en aval (les lônes lyonnaises), pour faire revivre la faune et la flore et de réactiver la roselière de Vernaison à hauteur du parc Bernard Clavel.


Malheureusement, la roselière du village de Pierre-Bénite a disparu, ce qui montre bien les limites d'une telle action curative qui ne peut pas tout réparer et l'absence dans ce cas de toute politique préventive et de définition d'actions de préservation du milieu naturel. 

On est parfois obligé d'utiliser des techniques plus sophistiquées  pour réparer des milieux naturels particulièrement sensibles comme dans le cas de l'étang de l'Or présenté ci-dessous, qui a consisté (entre autres) à construire un système de vannes pour aller pomper de l'eau dans un fleuve côtier (le Vidourle) pour diminuer la teneur en sel des eaux saumâtres de l'étang et rétablir ainsi un certain équilibre indispensable à cet environnement entre l'eau douce et l'eau salée.

 

Un écosystème local : le cas de l’étang de l’Or dans l’Hérault


L'étang de l'Or et les étangs palavasiens

 

L'étang de l'Or et ses rivages, au sud de Montpellier, c’est une étonnante diversité biologique. Au fil de ce mélange saumâtre d'eau douce et salée, on découvre un univers lagunaire très riche avec ses paysages, sa faune et ses oiseaux, ses reptiles, ses insectes, sa flore où on trouve par exemple la luzerne ciliée, plante endémique qui fait partie des espèces menacées en France.
C’est un site exceptionnel pour l’accueil des oiseaux d’eau, intégré au réseau Natura 2000 qui doit concilier conservation de la biodiversité et maintien des activités humaines dans un voisinage très urbanisé.

 


L'étang de l'Or & son éco système, faune & flore

 

L’étang de l’Or compte encore quelques pêcheurs professionnels, pêchant surtout l'anguille mais aussi des alevins de loups, des dorades, des soles, autant de poissons migrateurs venant de la mer pour grandir dans la lagune, véritable nurserie ouverte dès le mois d'avril. De plus, quelques espèces protégées s’y abritent.

 


L'étang de l'Or, vue de l'éco système

 

C’est un milieu aquatique qui demeure fragile, surveillé par des équipes du CNRS ou d'Ifremer (Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer) dans ses unités de Sète et de Palavas.

Le taux de salinité de la lagune a tendance à augmenter, l’équilibre entre eau douce et eau salée est menacé, avec pour conséquences de détruire les roselières qui abritent des espèces protégées, de s'infiltrer dans le sol et nuire aux cultures. Le Symbo suit donc attentivement le taux de sel par litre d’eau.

 

Exemple de milieux continu et discontinu :

1- Dingy Saint- Clair (74) : Vallée barrée par un torrent, le Fier, mais permettant le maillage des haies et boisements.
2- Espaces boisés isolés empêchant les invertébrés de circuler.

 

Le Symbo (SYndicat Mixte du Bassin de l’Or) a pour objectif de coordonner et animer, sur le Bassin de l’étang de l’Or :
- La prévention des inondations et la défense contre la mer, la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ;
- La préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité, des écosystèmes aquatiques et des zones humides.

 

Étang de Vic-la-Gardiole

 

Dans ce cadre, et en particulier pour le second point, il exerce les missions suivantes :

  • Assure l’animation et la concertation relative à la prévention des inondations, à la gestion et à la protection de la ressource en eau et des milieux aquatiques
  • Anime les démarches de protection et de préservation des espaces naturels et de la biodiversité des sites Natura 2000 de l’étang de l'Or (ou étang de Mauguio)
  • Exerce la mission de gestion courante des ouvrages hydrauliques de la Porte de Carnon et de la station de pompage de Tamariguières et de ses ouvrages associés.
  • Intervient dans l’élaboration d’études sur les pollutions des eaux superficielles, de transition et souterraines, la protection des eaux superficielles et souterraines, la mise en place et l’exploitation de dispositifs de surveillance de la ressource en eau et des milieux aquatiques.
  •  

      
L'Étang de l'Or vers Carnon-Pérols                    et vers Lansargues

 

Pour ce qui nous intéresse plus particulièrement dans cette présentation, le syndicat a pour rôle de s’assurer que les flux qui viennent des eaux douces et des eaux de mer assurent bien la bonne salinité des eaux saumâtres des étangs lagunaires. Leur circulation représente la condition indispensable aux échanges entre étangs et au sein d’un même étang (l’étang de l’Or en l’occurrence), seule solution du continuum d’échanges pour la conservation de la faune et de la flore locales.

 

    
Pêche dans l'Étang de l'Or                         L'Étang de l'Or et le salaison 



Dit autrement, ceci revient en fait à créer un corridor biologique entre les zones différenciées de l’étang de l’Or et un large corridor biologique entre les étangs lagunaires qui forment un ensemble dans la Petite Camargue entre le canal du Rhône et l’étang de Tha, entre L’étang de l’Or et les étangs dits palavasiens (Étangs de Méjean, de l’Arnel, du Grec à Palavas, du Prévost, de Vic et d’Ingril à Frontignan).
 

Ceci est d’autant plus délicat à gérer que l’ensemble de ces étangs est traversé par le canal du Rhône à Sète, suite du canal du Midi.
On peut avoir accès à ces milieux naturels en visitant en particulier le site naturel des Salines de Villeneuve à Villeneuve Lès Maguelone, à l'ouest de Montpellier, quelque 276 hectares autour de l'étang de Vic et le Parc Naturel du Méjean, espace protégé et paradis pour les oiseaux, à Lattes au sud de Montpellier.

 

Voir aussi
* Suivi de biodiversité -- Corridors bio Grand Genève -- Corridors, agir, participer -- L'étang du Méjean --

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<< Christian Broussas, L'écologie 23/07/2021 © • cjb • © >>
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19 août 2021 4 19 /08 /août /2021 22:34

Référence : Jean Viard, La révolution que l'on attendait est arrivée, éditions de l'Aube, 240 pages, mai 2021

 

                     

 

Le titre est à lui seul une profession de foi : La révolution que l'on attendait est arrivée... Et Jean Viard d'ajouter en sous-titre : Le réenchantement des territoires. Mais n'est-ce pas en fait une nouvelle version du bon vieux Aménagement du territoire qui rappelle la DATAR (aménagement du littoral), les villes nouvelles et les parcs naturels.

 

                  

 

Son message commence par ce constat : « Nous avons changé» Il veut dire essentiellement qu'il sent le profond désir des gens de changer de vie, de ne plus se laisser séduire par le miroir aux alouettes du consumérisme. Son analyse repose sur les évolutions apportées par la covid 19 comme le recours au local et aux circuits courts, malgré l'aspect planétaire de la pandémie, le télétravail, les livraisons à domicile et autres drives.

 

Ce recours au local, Jean Viard l'analyse de la façon suivante : « Peu à peu, l'école, les maires... parurent aux citoyens plus protecteurs des valeurs républicaines que l'armée ou le président de la République… Autrement dit, le "proche" parut plus défenseur des valeurs républicaines que les institutions plus lointaines : le proche avait gagné dans la bataille des appartenances positives. »

 

               



Finalement, beaucoup de pratiques en gestation depuis des années dans toutes ces nouveautés, sinon une reconnaissance bien éphémère pour ceux qui sont "allés au charbon", soignants et professions de santé, caissiers, livreurs, agriculteurs... [1] ceux qui bossent beaucoup et sont mal payés. Mais à contrario, défiance face aux politiques et aux bureaucraties publiques.

 

               

 

c'est ainsi qu'il aborde la question des décentralisations manquées, « l'hypertrophie des appareils de gestion » dans les hôpitaux comme la crise l’a montrée, la police ou l’éducation. Cette situation est non seulement mangeuse de temps en reportings ou en réunions mais aussi génère  une grande dilution des responsabilités que toute décision est lente, souvent loin du terrain. Or « la crise a bien montré qu’il existe un lien direct entre ceux qui font et ceux qui décident »,  les niveaux intermédiaires risquant dorénavant d’être largement remis en cause.

 

En attendant, on a tendance à quitter les grandes villes pour des structures à dimensions humaines, à vouloir quitter aussi son conjoint ou pire encore. D'après Jean Viard, on aurait enfin pris conscience de l'urgence d'une lutte contre les problèmes climatiques et cette tragédie sanitaire « nous a fait grandir ».

 


« Il faudrait une révolution de la pensée du territoire non métropolitain »



L'aspect positif de tout ceci est de rebrasser les cartes. Finis l'attrait des villes et de la société industrielle, les débats sur la lutte des classes (et la mort des idéologies), on se recentre sur les territoires (son petit coin de France), sur son cercle restreint des amis et de la famille et on voudrait bien donner un sens à sa vie.

 

           



Jean Viard se demande quel avenir ont ces nouvelles tendances mais on sent bien qu'il les appellent de ses vœux. De même qu'il espère que la société industrielle va enfin déboucher sur une autre forme de civilisation, orientée sur le numérique et l'écologie, supports d'une véritable révolution des modes de production engendrant une révolution des modes de vie. [2]

 

            

 

De l'industriel au numérique (extrait)
« La civilisation industrielle est derrière nous. Elle laisse un monde qui sera (beaucoup) plus chaud... auquel nous devons nous préparer... Mais la civilisation qui s'achève dans cette tragédie fut grandiose et innovante. La vie s'y est allongée comme jamais. Les guerres mondiales y ont été contenues, le monde numérique, scientifique et technologique a changé le quotidien, a permis la réunification d'une humanité éparse. De considérables créations artistiques, intellectuelles, scientifiques, ont été faites. Immenses avancées. Mais le point de rupture qui s'annonçait vient d'être atteint. Le Covid-19 est l'avant-garde d'un combat plus large... »

 

Notes et références
[1] Voir sur l'agriculture, Jean Viard, "Le sacre de la terre". En la matière, il met l'accent sur le problème central du foncier.
[2]  Voir Jean Viard, "Nouveau portrait de la France", La société des modes de vie

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<< Christian Broussas, Jean Viard 21/07/2021 © • cjb • © >>
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6 juin 2021 7 06 /06 /juin /2021 20:19

« La société industrielle liait un mode de production et un mode de protection. Elle scellait ainsi l'unité de la question économique et de la question sociale. La “société post-industrielle”, elle, consacre leur séparation et marque l'aube d'une ère nouvelle. »
 Daniel Cohen, Trois leçons sur la société post-industrielle

 

       

 

Au fil de ses livres et de ses articles, Daniel Cohen décrypte les évolutions de l’économie libérale, reliant mutations historiques et analyse économique.  Déjà dans Richesse du monde, pauvretés des nations en 1997, il se préoccupait de l’augmentation des inégalités,  basée sur des pratiques intra groupes, endogamiques, à travers ce qu’il appelle des « appariements sélectifs ».

 

 

Dans son recueil d'articles paru en 2003 et intitulé Chroniques d'un krach annoncé, Daniel Cohen non seulement analyse la crise de la nouvelle économie qui renvoie au titre, mais aborde aussi les enjeux du monde contemporain. Il traite en particulier de la dette des pays pauvres, la dimension économique de l'Islam, les difficultés de la nébuleuse européenne, le prolétariat et la gauche...

 

  
Daniel Cohen et Julia Cagé                                 Daniel Cohen et Thomas Porcher

 

Il pense que la troisième révolution industrielle a commencé et qu’elle fonctionne selon le principe des "appariements", les meilleurs allant avec les meilleurs, aux autres de se débrouiller pour ne pas devenir des" laisser pour compte". Dans ce type de configuration, le stress devient ainsi « le mode de régulation de la société post-fordiste, » le travail prenant une importance considérable. [1]

 

 

Aux théories économiques de la division du travail, il oppose l’analyse historique de Fernand Braudel qui met l’accent sur l'opposition entre le centre et la périphérie. Dans ce cas, selon lui « les pauvres sont moins exploités qu'oubliés et marginalisés. » De plus, les nouvelles technologies de l'information ont tendance à créer des besoins difficiles à tenir, engendrant ainsi des frustrations. [2]

 

           

 

La fin annoncée de la société industrielle ne se fera pas sans soubresauts : « À l'image de la société féodale, la société industrielle du XXe siècle lie un mode de production et un mode de protection. Elle scelle l'unité de la question économique et de la question sociale… » Ce qui signifie que la société post-industrielle scellera « la fin d’une solidarité inscrite au cœur de la firme industrielle. » [3]

En brossant une grande fresque des évolutions socio-économiques au cours de l’histoire, il montre que la naissance du capitalisme marque le passage d’une mentalité malthusienne qui stoppe la croissance du revenu par personne pour cause de stagnation démographique à un accroissement des richesses qui est loin d’être synonyme de bonheur personnel, ce qu’il appelle le paradoxe d'Easterlin. [4] [5]
Ce paradoxe est pour lui essentiel et il pointe les risques d’un trop grand décalage entre les modes de coopération et les modes de compétition. [6]

 

                 

 

Notes et références
[1] Voir son ouvrage Nos temps modernes paru en 2000
[2] Voir son ouvrage La Mondialisation et ses ennemis paru en 2004
[3] Voir son ouvrage Trois leçons sur la société post-industrielle Éditions du Seuil, 2006
[4] Voir son ouvrage La Prospérité du vice, Une introduction (inquiète) à l'économie paru en 2009
[5] Le paradoxe d'Easterlin, mis en évidence en 1974 par l'économiste Easterlin, repose sur le constat que, au-delà d'un certain seuil, la poursuite de la hausse du revenu ou du PIB par habitant ne se traduit pas nécessairement par une hausse du niveau de bonheur que peut ressentir un individu.
[6] Voir son ouvrage Homo Economicus, prophète (égaré) des temps nouveaux paru en 2012

 

Voir aussi
Daniel Cohen, Il faut dire que les temps ont changé --
 Thomas Piketty, Capital et idéologie --

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10 mai 2021 1 10 /05 /mai /2021 14:56

Du fait divers à la fresque sociale

 

Référence : Florence Aubenas, L’inconnu de la poste, Éditions de l’Olivier, février 2021

 

Florence Aubenas l’appelle  « le routard immobile, » n’aimant pas trop s’éloigner de son territoire, même s’il se balade parfois  pour les besoins de son métier (épisodique) d’acteur ou pour rendre visite à Corinne son ex qui habite à Rochefort. Ce Thomassin est un enfant de la DDASS que le cinéma ne parviendra pas à sauver, qui connaîtra un parcours chaotique de marginal entre drogue, alcool et RSA, avec ses deux copains de débine Tintin et Rambouille, « on était les Dalton » diraTintin, et ferait un excellent gibier de potence. Un homme « attachant et décourageant » comme le décrit le cinéaste Jacques Doillon, qui l'a bien connu.

 

                   

 

Ce livre n’est pas la biographie de Gérald Thomassin, précise-t-telle, même s’il y joue le rôle principal, c’est l’histoire d’un meurtre à Montréal-La Cluse, village du nord de l’Ain, entre Oyonnax et le lac de Nantua,  la capitale historique du Haut-Bugey, dans ce qu’on a appelé "la vallée du plastique", en crise depuis plusieurs années.
Elle lui a rendu visite à sa sortie de prison et rapidement se prit au jeu.

C'est l'histoire d'une famille, un mari e qui va fuir ce drame avec leur fillette, son père, un notable dont l'univers s'est écroulé, animé par la vengeance, persuadé de la culpabilité de Thomassin.

 

C’est aussi l’histoire de ces villageois qui sont passés de l’agriculture à l’industrie du plastique,  de la bande de copines de Catherine Burgod, les deux potes de Thomassin qui traînaient avec lui, pris entre alcool et drogue, les derniers fermiers du village vivant tous les trois, retirés sur leurs terres avant de tout laisser tomber.

 

"L’Affaire", c'est le meurtre mystérieux de Catherine Burgod, tuée de vingt-huit coups de couteau dans le bureau de poste où elle travaillait. Florence Aubenas a mis sept ans pour reconstituer l’écheveau de ce fait divers, le climat d’un village de montagne où tout le monde se connaît, bouleversé par cette incroyable nouvelle : le meurtre d’une fille et femme de notables qui avait comme on dit, tout pour être heureuse et finit victime d’un crime que rien n’explique.

 

                   

 

L’enquête, malgré des investigations poussées, patine. Les enquêteurs n’ont guère de sérieux qu’une empreinte ADN qui ne "matche" pas comme ils disent, malgré les nombreux tests réalisés.   Même les "cadors" venus de Lyon se révèlent impuissants à élucider cette affaire. Les pistes classiques des proches et de la famille n’ont rien donné et il ne reste guère que les trois marginaux.

 

Tout oppose Catherine Burgod la victime et Gérald Thomassin le présumé coupable. Catherine est la petite fille gâtée qui malgré les apparences, ne trouve pas dans sa vie ce qu’elle y cherche obscurément et aboutira à deux tentatives de suicide. Gérald a toujours été traumatisé par ce père absent et cette mère qui ne lui a jamais rien apporté de bon. Ses succès au cinéma n’y ont rien fait, il porte en lui une fêlure où la réalité du quotidien n’a pas sa place. Ce sont ces blessures secrètes que la vie leur a infligées qui relient ces deux êtres.

 

Florence Aubenas nous entraîne dans un de ces univers dont elle a le secret dans une bouffée d'humanité et un climat délétère de crime, préférant s'intéresser aux êtres plutôt qu'au déroulement de l'enquête.
Reste ces deux questions essentielles : le comptable arrêté grâce à son ADN est-il réellement coupable, qu'est devenu Gérald Thomassin, disparu juste avant l'ultime confrontation et jamais réapparu depuis ?

 

Voir aussi ma fiche
Florence Aubenas, Le quai de Ouistreham --
Joseph Ponthus, A la ligne, Feuillets d’usine --

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<< Ch. Broussas, Aubenas Poste 24/04/2021 © • cjb • © >
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10 mai 2021 1 10 /05 /mai /2021 14:20

Référence : Pierre Rabhi et Juliette Duquesne, « L’humain au risque de l’intelligence artificielle », éditions des Presses du Châtelet

« L’IA pourrait être le plus grand danger auquel nous serons confrontés en tant que civilisation. » Elon Musk

L'intelligence artificielle est en train de poser un grave problème dans la mesure où ses possibilités ont tendance à être surévaluées car on ne sait pas trop comment évaluer ses limites, comment se représenter de façon concrète cet univers prédictif difficilement évaluable.

 

          

Pour beaucoup, l’intelligence artificielle, c’est l’avenir, un avenir fait de robots et d’un impalpable qu’on appelle "super intelligence", faute d'une connaissance précise de ce concept.

L’ouvrage analyse les limites de l’intelligence artificielle dans les domaines de la publicité ciblée, des bugs algorithmiques difficilement décelables ou des questions de surveillance. Plutôt que tenter de cerner cette expression assez floue, il vaudrait mieux parler de capacité de calcul et laisser les fantasmes de côté.
Le problème est avant tout de savoir jusqu'à quel point ces mécanismes sont capables de se réapproprier la masse d'informations qu'ils gèrent et de quelle façon.

 

       
L'IA entre progrès et dangers

 

Des téléphones sur écoute

L’IA repose sur l’exploitation d’une masse de données qu’elle intègre ensuite à ses capacités de traitement. On met le doigt sur un point essentiel avec ces fameuses données qu’on nous "extorque" sur internet, espionnant nos comportements et qui servent nous dit-on à notre bien pour mieux cibler les publicités qu’on nous envoie gracieusement.
Cette constante surveillance crée un sentiment permanent de méfiance, amplifié par des scandales récents comme celui de Cambridge Analytica ou les révélations d’Edward Snowden.

Si le flicage des téléphones portables paraît très difficile pour des causes techniques, ce phénomène engendre quand même un climat de paranoïa ambiant. Il n’en demeure pas moins que d’autres pratiques posent de nombreux problèmes : surveillance d’objets connectés comme les enceintes ou des boîtes mails, captures d’écran de l’utilisation de leur application par certaines sociétés, sans autorisation et pouvant contenir des données personnelles comme des SMS, renforcement des idées complotistes qui fleurent sur le web.

 

       



La logique des plateformes sociales consiste à valoriser les contenus les plus « porteurs » générateurs de réactions, ceux qui sont le plus partagés et sont ainsi mis en valeur. Résultat, les fakes news fleurissent, créant une méfiance grandissante envers internet.
(Roger McNamee, investisseur historique de Facebook)

Une lourde tendance est « le rôle du complotisme qui est une "démission de la pensée", une explication démagogique. » (Marie-Jean Sauret, psychanalyste et chercheur à l’université Jean-Jaurès de Toulouse. « Douter de tout ou tout croire, ce sont des solutions… qui nous dispensent de réfléchir », disait en son temps le scientifique Henri Poincaré.

 

         

 

La relation homme-machine

Pour Marie-Jean Sauret, notre société « promeut le règne d’une idéologie scientiste qui répond à toutes les questions à travers la science ». Et celle-ci exclut la nuance de son champ d’investigation. Toujours selon lui, « le savoir de la science est paranoïaque par essence ». Or, la métaphysique ne peut rivaliser avec le savoir scientifique et toute une vie par exemple ne suffit pas à trouver des réponses satisfaisantes à la question du sens de la vie.

 

         
                                                          IA et information

 

Le complotisme, qui élimine tout raisonnement critique, devient alors la réponse à tout. Il suffit pour cela d’avoir envie de croire. L’effet pervers de l’IA est de pousser les gens vers la paranoïa. Ceci est d’autant plus vrai qu’on n’a pas vraiment testé l’efficacité de l’IA, ses programmes pouvant être parfois opaques ou sous-évalués et pose ainsi la question centrale du rapport coup-efficacité pour la société.

L'évolution technologique actuelle s'oriente vers un processus de connexion entre un cerveau humain et un ordinateur. (Voir la société Neuralik créée par Musk en 2016) Ce serait d'après Elon Musk lui-même la possibilité de créer « une symbiose entre le cerveau humain et l’intelligence artificielle. ».
Si ce futur inquiète Elon Musk [1], d'autres comme le PDG de la société chinoise Alibaba ne sont guère inquiets, soutenant que « les ordinateurs ont seulement des puces, les hommes ont le cœur. C’est du cœur que provient la sagesse. »
C'est un peu court pour évoquer les conséquences possibles de cette technologie et son impact sur nos modes de vie.

 

 

Notes et références
[1] Elon Musk dirige des sociétés comme SpaceX (espace), SolarCity (maisons solaires), Tesla (voitures électriques), Neuralink (neuro technologie) et Paypal.

Voir aussi
Vingt dangers de l’IA -

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<< Ch. Broussas, Dangers IA 09/05/2021 © • cjb • © >
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18 novembre 2020 3 18 /11 /novembre /2020 21:00

 Christophe Granger s’est en particulier intéressé à l’évolution dans nos sociétés des corps pendant la belle saison, à travers des ouvrages tels que Les corps d’été, Naissance d’une variation saisonnière en 2009 et La saison des apparences, Naissance des corps d’été en 2017.

 

        

 

« Le socio-historien veut mettre en lumière l'historicité du monde dans lequel nous vivons, pour mieux comprendre comment le passé pèse sur le présent. » Norbert Elias

 

Il vient d’obtenir le prix Fémina essai 2020 pour Joseph Kabris ou les possibilités d’une vie, ouvrage qui part du réel pour soutenir ses thèses et ses recherches sur le corps.

Il y raconte la curieuse histoire de ce Joseph Kabris né vers 1780 à Bordeaux, pour tenter d’analyser ce qui fait qu’une vie se découle de telle façon, ce qui a pu infléchir sa direction.

 

         
Œuvres de Gérard Noiriel

 

Il fait suite à ses recherches sur le corps avec son ouvrage consacré à ce thème et intitulé "Faire corps. Éléments pour une sociologie historique". Son objet est d’élaborer une démarche d'analyse qu’il appelle "biographie sociologique" et qui, à partir d'un cas particulier comme c’est le cas avec Joseph Kabris, décrit dans le détail et sur une certaine durée, se propose de servir de base à une étude de l’impact du social sur la vie de l’individu.

Son sujet d’étude comprend des pratiques sociales qui impliquent le corps telles que le travail, le sport, les vacances et la plage, qu’il croise avec des institutions (L’État, l’école, le clergé) et des professions (médecins, juristes) pour en déduire les rapports de force des groupes constituant la société. [1]

 


Œuvres de Norbert Élias         Pratiques et méthodes de la socio-histoire

 

Les travaux de Christophe Granger se situent dans le domaine de la socio-histoire, et plus spécialement sur la compréhension des conduites corporelles et collectives ainsi que la compétition entre groupes sociaux pour convaincre de leur légitimité.

La socio-histoire est une approche historique sous-tendue par des méthodes empruntées à la sociologie. En ce sens, elle est d’abord « boîte à outils » servant à savoir comment le passé éclaire le présent et reposant sur les relations à distance et la façon dont naissent les phénomènes sociaux. [2]

 

    Michel Offerlé

 

L’intérêt du livre de Christophe Grangé réside d’abord dans le fait qu’il réussit à concrétiser à travers le personnage de Joseph Kabris un domaine qui n’est pas spécialement facile d’accès.

 

Notes et références
[1] Sur la classe ouvrière, voir par exemple Gérard Noiriel, "Vivre et lutter à Longwy", Éditions Maspéro, 1980 et "Longwy, Immigrés et prolétaires (1880-1980)", Paris, PUF, coll. « Pratiques Théoriques », 1984
[2] Voir l'historien Gérard Noiriel et le sociologue Michel Offerlé, qui dirigent la collection Socio-Histoires des éditions Belin.

 

Sélection bibliographique de l'auteur
* La Saison des apparences. Naissance des corps d’été, Paris, Anamosa, 2017
* La Destruction de l’université française, Paris, La Fabrique, 2015
* Le Vase de Soissons n’existe pas, Paris, Autrement, 2013
* Les Corps d’été. Naissance d’une variation saisonnière, Paris, Autrement, 2009

Voir aussi
* Gérard Noiriel, Introduction à la socio-histoire, Paris, éditions La Découverte, coll. Repères-Histoire, 128 pages, 2006

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13 novembre 2020 5 13 /11 /novembre /2020 14:19

 Référence : Cynthia Fleury, "Ci-gît l’amer, Guérir du ressentiment", éditions Gallimard, Collection Blanche, 336 pages, octobre 2020

 

« La confiance ne peut exister sans une communauté de destin. »

 

          

 

Cynthia Fleury poursuit, avec  son nouvel opus Ci-gît l'amer. Guérir du ressentiment, son travail autour de l’individu [1] et de sa place dans un état démocratique, commencé avec Les Pathologies de la Démocratie en 2005, La Fin du courage : la reconquête d’une vertu démocratique  en 2010, Les Irremplaçables en 2015 et 2018) et Le soin est un humanisme en  2019.

Celle qu’on a parfois appelée la philosophe clinicienne traite plus directement ici du processus de colère et les pulsions de haines qui traversent notre époque. Pour elle, « Le ressentiment est une peste émotionnelle. »

 

   

Son questionnement porte sur les liens entre la santé psychique des personnes et celle de la démocratie. Elle met l’accent sur des sociétés de plus en plus divisées et le ressentiment, sorte de  corollaire, ce mélange d'amertume et de rancœur qui sape toute évolution positive des individus comme des États. Dépasser cette situation et sortir de cette « peste émotionnelle », c’est trouver de nouveaux modes de fonctionnement capables de faire face à ce défi.

 

         

 

Dans une interview, elle confie travailler « aux confins des crises individuelles et démocratiques », et le sentiment de ressentiment lui a semblé le symbole de ces deux entités. Elle l’a d’ailleurs en tant que praticienne constaté à maintes reprises que certains patients tombent dans le cercle vicieux de la rumination et de l'amertume, dont les principaux constituants sont le domaine professionnel, le manque de reconnaissance sociale et d’une façon générale, le mal-être.

La recrudescence de ce phénomène est due à des facteurs tels que l’emploi précaire ou un sentiment d’impuissance politique. Situation amplifiée par l’écho des systèmes sociaux qui développe aussi une violence verbale extraordinaire ou plus simplement dans les incivilités sur la voie publique, ce qui fait dire à Cynthia Fleury que « les digues émotionnelles des uns et des autres ont sauté. »

 

    
Avec le chanteur Jean-Louis Murat

 

« Diriger, c'est conduire un peuple avec son assentiment. »

Face à ses patients, elle met en oeuvre un processus de lutte contre le ressentiment et la façon de se réapproprier sa souffrance, en faisant appel à des théoriciens comme Ernst Cassirer, Ludwig Binswanger ou Karl Jaspers. Dans les groupes de discussion, les interactions doivent permettre aux participants d'avancer à partir de leur vécu.

 

     

 

Sur le plan collectif (et donc politique), Cynthia Fleury préconise trois niveaux d'intervention : Soigner, Gouverner, Eduquer, en se référant d'abord à la psychanalyse freudienne. Cette approche signifie que le pouvoir politique n'intervient pas seulement dans l'institutionnel et l'élection mais aussi dans le domaine relationnel pour développer une interaction positive avec les citoyens ("prendre soin d'eux"), espèce de prévention contre le ressentiment, ce qui devrait les amener à leur tour à défendre l'Etat de droit, à en avoir une vision positive.   

Sa démarche est d'autant plus importante qu'elle se situe au carrefour de la philosophie, de la psychologie et de la politique et que le thème du ressentiment est vraiment central dans l'évolution de sociétés démocratiques.

 



Notes et références
[1] Ce qu'elle appelle "L'individuation", processus distinguant un individu des autres individus du groupe de référence dont il fait partie.

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