Référence : Dany Laferrière, "L'énigme du retour", éditions Grasset, 2009, prix Médicis 2009, édition de poche, janvier 2011, 288 pages

       

Commentaire souvent flatteur pour ce roman de Dany Laferrière qui lui a valu de recevoir le prix Médicis en 2009, comme celui-ci : « Récit d'un retour au pays après la mort du père, Dany Laferrière sait qu'il doit "réapprendre ce qu'il sait déjà mais dont il a dû se défaire". Dans une langue somptueuse, poétique et sensuelle, il nous invite au pays des sensations vraies. »

               

L'auteur lui-même est assez atypique puisque c'est un francophone né sur l'île d'Haïti, émigré au Canada à Montréal pendant plusieurs années pour cause de dictature des Duvalier, et finira par s'y établir, plusieurs de ses livres se déroulent d'ailleurs dans ce pays, dont le premier paru en 1985 "Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer", qui connut un gros succès mondial.

          

La nouvelle qu'il reçoit l'anéantit : son père est mort. Il décide alors de retourner en Haïti dans son pays natal, revenir de cet exil que son père avait déjà connu avant lui. C'est tout son passé qui lui revient, ses origines, sa famille... Un retour qui lui met du baume au cœur avec ces retrouvailles, les rencontres avec des artistes, de jeunes femmes aussi mais lui permet dans le même temps de découvrir la misère, la faim et la violence.

                   

Dany Laferrière a aussi initié un genre littéraire nouveau qui allie le tracé du dessin à la musique des mots. C'est dit-il, le choc de la mort de sa mère qui le conduit au dessin comme un dérivatif, un exutoire aussi et passe peu à peu au roman dessiné, avec « cette main qu’il ne lâchera plus. » Ce sera en 2018 Autoportrait de Paris avec chat, roman de 320 planches dessinées, hommage aux artistes réfugiés à Paris. L'année suivante, ce sera Vers d'autres rives, constitué de 112 planches dessinées, hommage aux artistes haïtiens.

                 
Sa statue à Montréal

Dans L'exil vaut le voyage paru en 2020, il nous parle de départs qui ne sont pas forcément synonymes d'arrachement si on les accepte le cœur ouvert. Ils sont l'occasion de rencontres enrichissantes qui ouvrent de nouveaux horizons.

    Avec Maryse Condé

 

* Le retour au pays
« La nouvelle coupe la nuit en deux. L’appel téléphonique fatal que tout homme d’âge mûr reçoit un jour. Mon père vient de mourir. »

* Style et structure
- Entre la prose et la poésie, une tristesse qui remonte d’un passé douloureux dans le "bleu nostalgique" des fenêtres, réactivée par la mort du père.
- Le narratif est présenté comme un poème, le reste (réflexions, réminiscences) en prose comme dans Le train de nuit (p 57-59)
- Son vécu se traduit dans ses rêves : Faces A et B p 50-53 à travers les thèmes suivants : perte & exil, trahison, solitude & suicide.

- Son infinie lassitude se traduit par des cauchemars venant de l’enfance.
- Véritable entre les sédentaires qui se connaissent que leur culture et les nomades confrontés à d’autres cultures. (p 40-41)
- Par rapport à son neveu : l’expérience d’un écrivain est intransmissible. (l’écrivain en herbe p 107)
- Le thème de la valise p 71  

* Sa vision d’HAÏTI
La faim comme une fin en soi (chap 37)
- « Si on n’est pas maigre à 20 ans en Haïti, c’est qu’on est du côté du pouvoir. » (p 96)
- Les gens « La propriétaire, sa longue expérience de la douleur. » (p 84) « La première larme fera déborder ce fleuve de douleur… (p 86) « Ici, on vit d’injustice et d’eau fraîche. » (p 99)

À la radio : « Une parole soyeuse comme un voile qui cache la vérité sans l’effacer tout à fait. » (p 99)
« Chacun reste emmuré dans son époque. » (105)
« Le riche est un animal d’habitude. » p 126 et « les riches ont acheté le silence. » p 137
« Quand un homme préfère un plat de riz aux haricots rouges à la compagnie galante d’une femme,
c’est qu’il se passe quelque chose dans l’ordre du goût. » p 138
Une situation qui se dégrade : « Arbustes noirs de boue, visages gris et poussiéreux, portes crasseuses. » Les gens s’y sont habitués. P 181


* Une situation qui se dégrade
- « Arbustes noirs de boue, visages gris et poussiéreux, portes crasseuses. » Les gens s’y sont habités. p 181
- La dictature qui meurtrit les êtres : exemple de sa mère p 196
- L’exil qui change la destinée, place entre 2 cultures : relations avec sa mère, avec tante Ninine. P198

- « Au-delà d’un certain nombre, la vie des gens n’a plus la même valeur. » p 243

* Sur la mort du père
- « Il faut parfois faire semblant de comprendre. C'est une manière rapide d'apprendre car personne ne vous expliquera ici ce que vous êtes censé savoir. » p 292
- « Tous les chemins qu'il devra emprunter plus tard étaient déjà en lui. » p 288
- « Féroce beauté.
Éternel été. Mort au soleil.  » p 295

- « La vie est ce long ruban qui se déroule sans temps mort et dans un  mouvement souple qui alterne espoir et déception.  » p 297
 

* Sitothèque de ses œuvres
- Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer ? (1999) - Pays sans chapeau (2001) - Je suis un écrivain japonais (2008) - Tout bouge autour de moi (2016) - Journal d'un écrivain en pyjama (2013) - L'art presque perdu de ne rien faire (2014) - L'odeur du café (2016)  - L'exil vaut le voyage (2020) - L'enfant qui regarde (2022) -- Petit traité du racisme en Amérique (2023) -
* Présentation --

--------------------------------------------------------------------------------
<< Christian Broussas • Dany Laferrière  © CJB  ° 17/03/2024  >>
--------------------------------------------------------------------------------