Avec Salammbô, publié en 1862, Flaubert nous transporte deux mille ans plus tôt, dans la Tunisie actuelle, « à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar ».

 

                
Adolphe Cossard, Salammbô, 1899     Tophet de Salammbô, stèle votive, IIIè siècle av.JC

 

Himilcar Barca, c’est avec son fils Hannibal les deux généraux les plus célèbres de Carthage, la grande rivale de Rome, qui lui fait de l’ombre et qu’il faut absolument raser.

Rome et Carthage se sont longuement affrontées pendant presque un siècle, de 263 à 146 av. J.-C., au cours de trois guerres dites « puniques », autre nom donné aux Carthaginois. Vaincue et détruite même dans ses fondations, Carthage disparaît et laisse à Rome le monopole en Méditerranée occidentale. De ce fait, elle permet les légions romaines de conquérir la Méditerranée orientale et hellénistique.

 

                  
                     G.A. Rochegrosse, Salammbô et les colombes, 1895

Mais ce qui intéresse d’abord Flaubert, c’est un autre épisode, la guerre des mercenaires, que les Carthaginois appelaient la « guerre inexpiable » (241-238 av. J.-C.). Hamilcar guerroie alors en Sicile et, sur place, le Conseil qui dirige la cité craint une rébellion des mercenaires qui n’ont pas été payés. Solution drastique retenue et utilisée par Hamilcar après son retour : les exterminer dans le défilé de la Hache, ce qui fera quelque 40 000 morts. Mais cette solution ne fera qu’affaiblir Carthage.

Le roman est dominé par les scènes de bataille qui sont homériques et guident le lecteur au sein des événements. La profusion des descriptions parvient même à desservir l’intrigue et on se trouve en présence d'une Salammbô assez effacée dans l'ensemble, manipulée par le grand prêtre Schahabarim.
Les guerriers comme Mathô, Spendius et Hamilcar représentent  vraiment la base de l’histoire et ce sont eux qui sont projetés sur le devant de la scène.

Flaubert s’est beaucoup documenté pour faire corps avec cette époque lointaine, au total une centaine de livres, dit-on. Il est aussi allé voir du côté de son ami et historien Jules Michelet, auteur d’une Histoire romaine publiée en 1831. Il a même entrepris en avril 1858, un voyage du côté de Carthage, s’imprégnant de l’atmosphère de la région pour mieux la restituer dans son roman.
C’est pour lui l’occasion de prendre ses distances avec le romantisme et de s’orienter vers le symbolisme.

 

                  
Salammbô par Mucha 1896    Salammbô par H.A. Tanoux 1921            
Léon Bonnat 1896 : Rose Caron dans le rôle de Salammbô

 

Un exemple du style "flaubertien" : Les mercenaires dans les jardins d’Hamilcar

« Les capitaines, portant des cothurnes de bronze, s'étaient placés dans le chemin du milieu, sous un voile de pourpre à franges d'or, qui s'étendait depuis le mur des écuries jusqu'à la première terrasse du palais...

Le palais, bâti en marbre numidique tacheté de jaune, superposait tout au fond, sur de larges assises, ses quatre étages en terrasses. Avec son grand escalier droit en bois d'ébène, portant aux angles de chaque marche la proue d'une galère vaincue, avec ses portes rouges écartelées d'une croix noire, ses grillages d'airain qui le défendaient en bas des scorpions, et ses treillis de baguettes dorées qui bouchaient en haut ses ouvertures, il semblait aux soldats, dans son opulence farouche, aussi solennel et impénétrable que le visage d'Hamilcar. »

Mes fiches sur Flaubert
Gustave Flaubert en Bretagne -- Le perroquet de Flaubert --
Flaubert, de Déville à Croisset -- Le dernier bain de Flaubert --
A. Un automne de Flaubert -- Flaubert le normand --

--------------------------------------------
<< Ch. Broussas, Salammbô 28/05/2021 © • cjb • © >
--------------------------------------------