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22 août 2020 6 22 /08 /août /2020 13:58

Référence : Jean-Marc Dreyfus, Vollrath von Maltzan, De Hitler à Adenauer, un ambassadeur entre 2 mondes, éditions Vendémiaire, 232 pages, août 2020

Un ambassadeur entre deux mondes

 

             

 

Jean-Marc Dreyfus [1] a décidé de faire revivre ce personnage bien oublié "Demi-juif", ou "Mischlinge", une trouvaille de nazis friands de classifier les races, pour définir des personnes descendant d’un ou deux grands-parents juifs. Aristocrate terrien du Mecklembourg par son père et de la bourgeoisie juive par sa mère, Vollrath von Maltzan entre dans cette catégorie.

 

 
Secrets d’ambassades JM Dreyfus & PO François

 

Il n’a guère laissé de traces dans l’Histoire cet homme à la vie mouvementée qui fut un fin diplomate, et l’auteur nous présente ce que put être, dans l’Allemagne nazie, le sort de ces "sang-mêlés", celui de son personnage mais aussi celui du reste de sa famille dont les membres connurent persécution et déportation, l’exil pour ceux qui étaient juifs, la neutralité pour ceux qui étaient protestants.

 

               

 

En somme, comme dans toute dictature, on retrouve le ressort essentiel qui est la peur, la peur pour ceux qui sont dans le collimateur, quelle qu'en soit la cause et pour les autres, soit presque toujours l'immense majorité, la peur de sortir la tête du rang, de se faire remarquer et de se retrouver dans la catégorie précédente.  

Avec archives et témoignages de survivants, le récit se poursuit après la guerre quand Vollrath von Maltzan fut nommé premier ambassadeur de l’Allemagne (la RFA de l’époque) à Paris. La politique du pays est alors un jeu de balance, favorisant un homme comme Vollrath, menacé par le nazisme, pour mieux protéger de hauts fonctionnaires qui, pendant la guerre, avaient été complices du nazisme et de ses exactions.

 

   
               

Ce qui pourrait être un épisode de la Shoah retrace le destin tumultueux et tragique d’une famille de juifs allemands qui se débat dans une époque particulièrement cruelle. Pour beaucoup, la guerre est mise entre parenthèses et la réalité reprend peu à peu ses droits, chacun tente de reprendre sa place dans la nouvelle société pacifiée, en espérant jeter un voile pudique sur le passé. [2]

Témoin l'amnésie de Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, sur le passé nazi de Fritz Hellwig, vice-président de la Commission européenne de 1967 à 1970. [3]

 

       
Jean-Marc Dreyfus et Philippe Coen "Pour en finir avec Mein Kampf"

 

Notes et références
[1]
Jean-Marc Dreyfus est historien, spécialiste de la Shoah et de ses aspects économiques. Il a publié, entre autres, Une médecine de mort. Du code de Nuremberg à l’éthique médicale contemporaine.
[2] Voir en particulier un autre livre de Jean-Marc Dreyfus intitulé "L'Impossible Réparation" ( déportés, biens spoliés, or nazi, comptes bloqués, criminels) paru en 2015
Voir aussi les articles "Quand la France graciait deux SS de haut rang" et "Lampistes et criminels de guerre" --
[3] Voir l'article du CCLJ sur ce sujet --

 

Voir aussi sur la Seconde guerre mondiale
* Éric Branca, Les entretiens oubliés d'Hitler et Rosella Postorino La goûteuse d'Hitler --
* Éric Vuillard, L'ordre du jour --
* Dorothy Thomson, J'ai vu Hitler -- M. Onfray, Le canari du nazi --
* Stephen Bourque, Au-delà des plages -- De Wagner à Hitler --

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<< Christian Broussas, Hitler/Adenauer 15/08/2020 © • cjb • © >>
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11 août 2020 2 11 /08 /août /2020 22:41

La grande et la petite histoire au XVIIIe siècle
Chronique de 1715 à 1756

Référence : Évelyne Lever, Chronique de la cour et de la ville 1715-1756), éditions Fayard, 440 pages, février 2012

 

 

Évelyne Lever délaisse ici la biographie historique qui est pourtant sa spécialité [1], elle a choisi cette fois de nous emmener voyager dans la première moitié du XVIIIe siècle, à Versailles dans le milieu de la royauté, de la Cour et de ses calculs petits et grands, à Paris avec sa société certes brillante mais aussi dissolue, commençant à la mort de Louis XIV jusqu'en 1756. [2]

Louis XIV, échaudé dans sa jeunesse par la Fronde, avait choisi Versailles pour l’implantation du pouvoir politique, pas trop loin de Paris, mais pas trop près non plus. Un œil sur la capitale mais plutôt avec des jumelles.

La France a ainsi vécu cette dualité entre un pouvoir politique installé à Versailles, officiellement depuis le 6 mai 1682, et des activités culturelles centrées sur la capitale.

 

     

 

Paris est alors considéré comme le centre de l’Europe, siège d’une activité intellectuelle et artistique brillante. Deux entités qui ne purent pendant des années vivre l’une sans l’autre.

Mais peu à peu, après la mort du Roi-soleil en 1715, le déclin de Versailles va devenir inéluctable et le pouvoir politique se déplacer de Versailles aux Tuileries.

Évelyne Lever nous emmène à travers cette chronique, dans le quotidien de la vie à partir de nombreuses anecdotes qui donnent tout son sel au livre. Nous sommes plongés au cœur des petites et grandes manœuvres des courtisans, du rôle de la famille royale et des artistes qui en dépendent. Nous participons à la vie difficile du petit peuple parisien, à la découverte de ses aspirations, à ce "droit au bonheur" que vont théoriser les philosophes.

 

       

 

Désormais, Paris est le symbole d’une société élégante et spirituelle surtout dans prospèrent les salons de Mme Du Deffand et de Mme Geoffrin, où l’on joue les pièces si délicates de Marivaux, où l’on a la culture à portée de la main avec l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. C’est aussi le lieu où, après Law, la spéculation va bon train avant de retomber comme un soufflé.

 


                                             Louis XV

Paris est d’abord une ville où l’on s’amuse. En matière d’amour et de sexe, Louis XV donne l’exemple, dérivatif à l’ennui qu’il traîne souvent… et qui distrait aussi l’ennui de la Cour. On s'amuse comme on peut : par exemple ce duel mémorable au pistolet entre la marquise de Nesle qui fut blessée au sein et la comtesse de Polignac pour les beaux yeux du duc de Richelieu.

 

          
Edmond Barbier, Chronique de la régence et de Louis XV : 1718-1763

 

Le roi a délaissé la reine Marie Leszczynska qui se désole d’être toujours enceinte, se plaignant dit-elle de « toujours coucher, toujours grosse, toujours accoucher ». Ce roi naguère surnommé « le bien-aimé » est de moins en moins apprécié, suscitant des libelles virulents qui attaquent surtout "la Poisson", devenue Madame de Pompadour, accusée d’être responsable de tous les maux du royaume comme dans cet extrait :
- "Autrefois de Versailles/Nous venait le bon goût./Aujourd'hui la canaille/Règne et tient le haut bout/Si la cour se ravale/De quoi s'étonne-t-on ?/N'est-ce pas de la halle/Que nous vient le poisson ?"
Et toc ! Ce genre d’épigramme, si elle fait rire Paris, énerve prodigieusement Versailles.

Comme l’écrivait Voltaire dans Le Mondain avec son ironie grinçante : « Oh le beau temps que ce siècle de fer ! (...)  Le paradis terrestre est où je suis. »

 

     

 

Notes et références
[1]
Voir en particulier celles de Louis XVI, de Marie-Antoinette ou de Philippe
Égalité
[2] Année charnière marquée par le renversement d'alliance et le traité avec l'Autriche ainsi que le début de la guerre de sept ans

 

Voir aussi
* Ma fiche Évelyne Lever, Paris sous la terreur --
* Calonne et la fin de la monarchie -- JM Constant, C'était la Fronde --

* Chronique de l'œil de bœuf sous Louis XV --

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<< Christian Broussas – Lever 1715-56 - 07/08/2020 © • cjb • © >>
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30 juillet 2020 4 30 /07 /juillet /2020 14:43

Référence : Clément Oury, La Guerre de Succession d'Espagne : La fin tragique du Grand Siècle, éditions Tallandier, 528 pages, mars 2020
 

           
 

Le 1er novembre 1700 s'éteint le roi Charles II d'Espagne, souverain d'un empire sur lequel "le soleil ne se couche jamais". A la grande surprise de l’Europe, il désigne comme héritier le jeune Philippe, duc d'Anjou, petit-fils du Roi-Soleil. Cette décision arrime le royaume d'Espagne, immense avec ses possessions américaines mais miné de l’intérieur, à celui de France, considérée comme la première puissance européenne.

 Alliance inacceptable pour les autres États d'Europe, la guerre est inévitable quand la France accepte la succession de Charles II. Et cette guerre sera une calamité pour l’Europe, la plus longue et la plus terrible épreuve du règne de Louis XIV, pour une France qui en sortira diminuée.

 

           
Le roi Charles II (1665-1700) et son épouse Marie-Louise d’Orléans 
Philippe V roi d’Espagne 1700-46

 

Il faut dire que la situation politique paraît sans issue. Louis XIV et l'empereur d'Autriche Léopold étaient petit-fils de Philippe III et avaient épousé une sœur de Charles II. Au traité de La Haye [1] en 1698, c'est l'héritier de Léopold Ier, Joseph-Ferdinand de Bavière, qui est désigné. Mais finalement en 1700, juste avant de mourir, Charles II teste en faveur de Philippe d'Anjou, petit-fils de Louis XIV...

 

Cette guerre de Succession d'Espagne oppose, de 1701 à 1714, les deux rois de la Maison de Bourbon à une vaste coalition dirigée par l'Angleterre, la Hollande et l'Empereur. La France dispose alors de la plus forte armée d'Europe, invaincue depuis plus d'un demi-siècle, et d'une direction stratégique unifiée. Elle va pourtant subir une série de désastres sans précédent face aux troupes alliées commandées par le duc de Marlborough et le prince Eugène de Savoie. La vaste défense de fortifications érigée par Vauban va être mise à mal et les zones frontalières largement occupées.

 

             
John Churchill duc de Marlborough      Marlborough à Blenheim

 

Les péripéties de la guerre furent nombreuses et au début calamiteuses pour les Français, en particulier à la bataille de Höchstädt-Blenheim en août 1704. A partir de 1706, le duc de Marlborough envahit la Belgique, les Français sont chassés de Madrid, les Anglais occupent Gibraltar et Minorque, contrôlant ainsi la Méditerranée. Le blocus anglais épuise un pays frappé par le froid et la famine. Louis XIV veut négocier mais les coalisés refusent.

 

 
Défaite française de Höchstädt-Blenheim, 1704

 

Mais à partir de 1708, la situation devient plus favorable à la France dont l'armée réinvestit les territoires espagnols perdus par les victoires de Brihuega et de Villaviciosa en 1710, le maréchal de Villars ayant eu une résistance exemplaire à Malplaquet l'année précédente. Et le 24 juillet 1712, Villars remporte à Denain une victoire décisive sur l'armée du prince Eugène.

 

   
Portrait du prince Eugène    
La victoire controversée de Malplaquet, septembre 1709 

 

La situation politique évolue aussi en Europe. En Angleterre, les tories [2] arrivés au pouvoir sont plutôt pour la paix, l'empereur Joseph Ier meurt en 1711 faisant de l'archiduc Charles l'héritier des Habsbourg d'Autriche.  L'Angleterre et les Pays-Bas lâchent l'Autriche, craignant de voir resurgir l'empire de Charles Quint.

 

Les belligérants purent trouver un compromis avec la paix d'Utrecht en avril 1713 et le traité de Rastatt l'année suivante, la guerre se terminant en fait avec la fin du siège de Barcelone en septembre 1714. Philippe V conservait son trône, perdant les possessions italiennes (Naples, la Sicile et le Milanais) et les Pays-Bas au profit de l'empereur, Gibraltar, Minorque, Terre-Neuve, la Nouvelle-Ecosse [3] et les territoires de la Baie d'Hudson revenant à l'Angleterre. Elle est le grand vainqueur de cette guerre, face à une France épuisée, diminuée qui mettra longtemps à s'en remettre.

 

     
Le maréchal de Villars      La victoire française de Denain du 24 juillet 1712

 

Clément Oury s’est attelé à décrire la conduite des différentes opérations depuis Versailles ou La Haye, aussi bien dans les stratégies élaborées dans le secret des ministres qu’au plus près des  champs de bataille. Il décrit aussi bien la condition peu enviable de simple soldat et son expérience du combat, la souffrance des populations engagées malgré elles dans les zones de conflits, les réactions du peuple selon la tournure de la guerre, voyant peu à peu l’horizon s’assombrir devant le spectre de la défaite puis reprenant espoir après la victoire de Denain, en une fin rapide de la guerre.

 

     
Les empereurs : Léopold 1er   Joseph 1er 1705-11   Charles VI  1711-40

 

Notes et références
[1] Par le traité de La Haye signé en 1698 par la France, l’Angleterre et les Provinces-Unies (les Pays-Bas), la couronne espagnole sera, à la mort de Charles II, dévolue à  Joseph-Ferdinand de Bavière, petit-fils de l’empereur Léopold 1er d’Autriche mais le traité ne sera jamais appliqué à cause de son décès prématuré en février 1699.
[2] Tory et Whig sont les noms des deux grands partis historiques anglais. Les tories ont été, à l'origine, les partisans des Stuarts et de l'Eglise anglicane, les whigs les défenseurs des libertés parlementaires et des dissidents protestants.
[3]
 La Nouvelle-Ecosse
est située sur la côte atlantique du Canada

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30 juillet 2020 4 30 /07 /juillet /2020 14:33

Référence : Antonio Iturbe, La bibliothécaire d’Auschwitz, éditions Flammarion

 

« Lire des livres a toujours fait partie de ma vie » Dita Kraus

 


                                                               Dita Polachova-Kraus en 1942

 

Destinée commune à beaucoup de juifs de cette époque funeste. Dita Polachova a quatorze ans quand son destin va basculer avec l'arrivée des nazis.

Avec ses parents, elle est arrachée au ghetto de Terezín, à Prague pour être transférée au camp de concentration de Theresienstadt où tant bien que mal elle poursuit sa scolarité, pratiquant même l'opéra et la peinture.

 

         

 

En décembre 1943, toute la famille est transférée à Birkenau, au sein du sinistre camp d'Auschwitz qui est tout à la fois camp de concentration et d'extermination. Comme tous ceux qui sont parqués dans cet enfer, elle essaie malgré tout de survivre, de se débrouiller dans ce monde improbable. Son père va y succomber en 1944, dans des conditions qu'on peut imaginer : « Quiconque n'a pas été à Auschwitz ne peut pas le décrire. En fait, aucun mot n'existe pour désigner ces atrocités », dit-elle quelque quatre-vingts ans après, à presque 90 ans.

 

    

 

Mais sa vie va prendre un nouveau tournant quand Fredy Hirsch, un éducateur juif, lui propose de lui confier les huit volumes que les prisonniers ont réussi à dissimuler à leurs gardiens. Dita se souvient par exemple de La Brève histoire du monde de H.G. Wells ou d'auteurs comme Sigmund Freud et le tchèque Karel Čapek.

Elle s'empresse d'accepter même si elle est consciente des risques qu'elle prend. C'est son trésor en même temps qu'une responsabilité qui la motive et lui donne une raison supplémentaire de se battre.

C'est ainsi qu'elle devient "la bibliothécaire d'Auschwitz".

 

   

 

Outre ces huit ouvrages, Dita Kraus s'occupe des enfants du camp organise des rencontres avec des déportés pour qui puissent leur transmettre leur savoir et leur faire oublier un peu leurs conditions de vie. « Lire des livres a toujours fait partie de ma vie, dit-elle dans un interview... Même si de nombreux livres m'ont influencé tout au long de ma vie, ceux d'Auschwitz n'auraient malheureusement pas pu nous éviter la mort, car nous étions tous condamnés à la chambre à gaz. »

 

     

 

Elle verra plusieurs de ses amis et sa mère mourir du typhus en 1945 lors de la libération du camp. Ce jour-là, se souvient-elle, se réjouir n'était guère de mise « tant nous étions entourés de corps ». Son histoire est d'abord un témoignage pour que chacun prenne conscience « que c'est ce que l'homme peut faire à son semblable. »
 

   

 

Libérée par les anglais en 1945, Dita survécut au typhus et retourna vivre à Prague.  Elle y rencontra Otto Kraus son futur mari qui au camp fut éducateur au bloc des enfants. En 1949, ils s’installèrent en Israël, à Netanya où ils devinrent tous deux professeurs d’anglais.

Voir aussi mes  fichiers :
* Éric Branca, Les entretiens oubliés d'Hitler -- Laure Joanin, Les sept de Spandau --
* Rosella Postorino La goûteuse d'Hitler - Dorothy Thomson, J'ai vu Hitler -
* Fanny Chassain-Pichon De Wagner à Hitler --

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30 juillet 2020 4 30 /07 /juillet /2020 14:29

Référence : Virginie Girod, "La véritable vie des douze premiers Césars", éditions Perrin, 416 pages, septembre 2019
 

            
 

La véritable vie des douze premiers Césars au sein d'une Rome antique impitoyable
 

À l’époque de l’empereur Hadrien (117-138), Suétone est secrétaire et bibliothécaire au palais impérial. À partir des archives impériales, il entreprend de raconter la vie des premiers Césars, de Jules César à Domitien, retraçant l'histoire de Rome  sur une durée de presque cent-cinquante ans. (de 59 av. J.-C. quand Jules César devint consul à la mort de Domitien en 96 ap. J.-C.)

Son œuvre se divise en trois livres et VIII grandes parties : Livre I à VI avec César, Auguste, Tibère, Caligula, Claude et Néron, Livre VII sur la guerre civile qui a suivi la mort de Néron avec Galba, Othon et Vitellius, Livre VIII : Vespasien et ses deux fils Titus et Domitien.



Vie des douze Césars, imprimé à Lyon en 1569

 

Cette division reflète les grandes périodes de l'histoire romaine entre la fin de la république et la fin du 1er siècle après J. C. :
- Le passage de la république à l'Empire;
- L'installation et l'apogée de l'Empire marquées par la continuité de l'
État malgré les dérives d'un pouvoir avec les dissensions entre les empereurs et le Sénat ou la personnalité controversée des empereurs;
- La guerre civile, les batailles pour la conquête du pouvoir et l'instabilité politique;
- Les Flaviens et la restauration du pouvoir impérial.

 

La Vie des douze Césars, s’étend largement sur l’intimité des empereurs et a connu un grand succès malgré des à-peu-près et des inexactitudes. Virginie Girod, considérée comme une spécialiste du monde romain, s’est évertuée à replacer les faits socio-économiques et familiaux dans le contexte de l’époque et revient sur les coulisses politiques marquées par maintes trahisons et manipulations.

S'il donne ainsi une histoire continue de l'Empire romain, de la fin de la République à la fin de la dynastie flavienne, Suétone manque parfois d'objectivité, colportant aussi rumeurs et calomnies. Il se fait également le porte parole d'une partie des sénateurs auxquels il était lié et a tendance à présenter le régime impérial de façon défavorable.

 

       

 

Il s’agit aussi de savoir si les étiquettes qu’on a collées à la plupart de ces empereurs correspond à réalité ou au moins de ce que l’historien peut en connaître. Par exemple, Auguste et Vespasien passent encore largement pour des modèles de vertu et a contrario Tibère, Caligula et Néron sont-ils considérés comme de sombres tyrans.

 

On pourrait continuer avec Claude, souvent présenté comme un idiot mais qui passe parfois pour un administrateur hors pair. Au-delà des empereurs eux-mêmes, on peut aussi se demander dans quelle mesure ils ont subi l'influence de leurs affranchis ou si les femmes ont joué un rôle politique et pesé sur les décisions importantes. On pense bien sûr à des impératrices comme Livie ou Agrippine et leur rapport au pouvoir.

C’est bien les mythes qui pèsent tant sur les empereurs et le pouvoir politique que Virginie Girod veut revisiter dans son ouvrage, des mythes qui, au fil des pages, sont largement remis en cause, laissant la place à la description d’une société complexe dominée par les jeux de pouvoir.

 

    

 

Voir aussi
* Eugen Cizek, Structures et idéologie dans la Vie des douze Césars de Suétone, Editura Academiei/Les Belles Lettres, 1977
* Régis F. Martin, Les douze Césars, Perrin, 1991
*
Roger Vailland, Les Pages immortelles de Suétone, Buchet-Chastel, 1962 ; réédition aux Éditions du Rocher, 2002
* Les Mémoires d’Hadrien et l’histoire* Christophe Burgeon,
Trajan --
* Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien --

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30 juillet 2020 4 30 /07 /juillet /2020 14:13

Référence : Laure Joanin-Lliobet, Les sept de Spandau, les secrets révélés des derniers criminels nazis, 416 pages, septembre 2008

 

     

 

De 1947 à 1987, sept criminels nazis dont Rudolf Hess, qui fut un temps présenté comme le dauphin d’Hitler, et Albert Speer, ministre de l’armement du IIIe Reich et architecte du Führer, purgèrent leur peine à la prison de Spandau près de Berlin.

Ils furent placés au secret, seuls les pasteurs aumôniers seront autorisés pendant leurs quelque 40 ans d’internement, en tout cas pour le dernier, recevant longuement ce qu’ils voulurent bien leur confier.
Aujourd’hui cinq d’entre eux racontent pour la première fois leur expérience, nous font découvrir Spandau de l’intérieur et quelques-uns de leurs petits secrets.

 

                

 

Le 19 juillet 1947, les anciens dignitaires nazis condamnés à être incarcérés par le tribunal de Nuremberg y furent conduits pour purger leur peine. Américains, Britanniques, Français et Soviétiques avaient en charge la gestion de l'établissement et la surveillance des sept prisonniers qui furent Konstantin von Neurath (1873-1956) libéré en 1954, Erich Raeder (1876-1960) libéré en 1955, Karl Dönitz (1891-1980) libéré en 1956, Walther Funk (1890-1960) libéré en 1957, Baldur von Schirach (1907-1974) libéré en 1966, Albert Speer (1905-1981) libéré en 1966 [1] et Rudolf Hess (1894-1987) mort à Spandau en 1987. [2]

 

         
Himmler et Rudolf Hess                   Les accusés au procès de Nuremberg

 

Les conditions de vie des « Sept de Spandau » comme on les appelait, étaient assez strictes. Ils étaient coupés du monde et prirent l’habitude de s’épancher auprès de leurs confesseurs, les incitant à réfléchir sur leur situation et sur leur responsabilité dans l’histoire du nazisme et les dérives du IIIe Reich.

Au fil des mois et des années, il s’est produit entre eux des véritables interactions dans l’univers clos de la prison de Spandau où ils étaient leurs seuls interlocuteurs, la seule incursion du monde extérieur dans leur environnement.  

 

     

 

L’intérêt de cet ouvrage réside surtout dans la vie confinée d’hommes qui avaient connu les honneurs, les lustres du pouvoir et se retrouvaient déchus, la façon dont ils ont vécu leur dégringolade sociale, comment ils ont pu surmonter ce déclassement et ce confinement, s'ils ont porté un regard honnête sur leur passé ou s'ils se sont cramponnés à leurs certitudes.




La prison de Spandau à Berlin : la relève

 

Ceci permettrait alors de savoir comment a évolué leur état d’esprit, la façon dont ils ont reçu leur condamnation, dont ils ont reconnu ou non leur responsabilité devant l’Histoire, la vision de leur trajectoire personnelle.
Du côté des aumôniers, on peut aussi se demander comment ils ont conçu leur rôle face à des gens quand même considérés comme des criminels de guerre.
D’une façon plus générale, comment en sont-ils arrivés-là, à avoir une telle étiquette infamante, ont-ils été des pions dans la géopolitique internationale ?

 

              

 

Autant de thèmes et de questions qui offrent un intérêt certain, autant historique que sociologique sur un domaine qui n’a pas été souvent exploré. Laure Joanin-Llobet y a consacré six ans pour enquêter et recueillir les témoignages des derniers aumôniers survivants et également celui de Rudolf Hess qui y séjourna quelque 40 ans. Hess, dernier détenu, dont on s'aperçoit au fil des témoignages, qu'il était plus humain que ses codétenus, et même parfois que ses gardiens. Autant de données qui nous aident à suivre son cheminement, au-delà d'une vérité officielle qui se trouve vite écornée.

 

        
Spandau : Mirador et barbelés    « Smuts barracks »

 

Outre les témoignages, le livre s’appuie sur une solide documentation faite de textes inédits, de photos prises dans la prison, de lettres et documents personnels assez rares ainsi que des échanges de correspondances, ce qui en fait tout l'intérêt.

 

Notes et références
[1]
Voir le témoignage d'Albert Speer intitulé "Journal de Spandau"
[2] Officiellement, Hess s'est suicidé mais certains penchent plutôt vers une exécution pour éviter la révélation d'informations qu'il aurait pu détenir.

 

Voir aussi mes  fichiers :
* Éric Branca, Les entretiens oubliés d'Hitler -- Laure Joanin, Les sept de Spandau --
* Éric Vuillard, L'ordre du jour -- Rosella Postorino La goûteuse d'Hitler --
* Dorothy Thomson, J'ai vu Hitler -- M. Onfray, Le canari du nazi --
* Stephen Bourque, Au-delà des plages --

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<< Christian Broussas  7 de Spandau © CJB  ° 03/07/ 2020  >>
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26 juillet 2020 7 26 /07 /juillet /2020 21:18

Référence : Gilbert Gonthier, Maquis de l’Ain, le maquis de Richemond, préface de Jean Marinet, Éditions Bellier mai 2010, seconde édition revue et augmentée aux Éditions de l’Astronome, 188 pages, 2020

 

           

 

Le département de l’Ain a été l’un des plus actifs dans la lutte contre l’Occupant. Le célèbre monument dédié à la Résistance dans l’Ain, qui s’élève le long de la route du col du Cerdon en est l’un des symboles le plus représentatif.  

 

    
            Robert Barnéoud et René Chanel au col de Richemond en mai 1944

 

Ce livre, écrit d’après les archives de Robert Barnéoud,  est centré sur le cheminement d’un des nombreux groupes de résistance qui ont fleuri après l’instauration du STO, le maquis de Richemond et plus particulièrement d’avril à septembre 1944.
Bernard Paccot, qui a présidé à cette réédition largement refondue, précise : «  J’ai fait de nombreuses recherches, auprès du musée de la résistance à Nantua, de l’association du souvenir français de Seyssel… »

 

   

 

Le mouvement naît en 1943 quand deux réfractaires au Service du Travail Obligatoire se cachent dans le Haut Jura puis durent fuir la région après l’attaque allemande de décembre 1943 contre les maquis de Lamoura. On les retrouve en avril 1944, au col de Richemond, reprenant la lutte contre les Allemands. En septembre, ils sont 150 participants à des opérations dans la région limitrophe de l’Ain et de la Savoie. (Seyssel, Virieu-le-Grand, Chavornay et Chanay). Ils combattent ensuite de nouveau au col de Richemond et dans les marais de Chautagne pour libérer la ville de Culoz.

 

       
Le monument du Cerdon : « Où je meurs, renaît la patrie. »
La stèle dédiée au Maquis, au col de Richemond      

Continuant leur progression, ils participent à la libération de Bourg-en-Bresse, passant par Ambérieu-en-Bugey, Pont d’Ain, Bohas, Ceyzériat, Journans, rejoignant enfin Jasseron et Bourg-en-Bresse. Le maquis avait bien tenu son rôle en déstabilisant les Allemands et en fixant des troupes qui auraient pu être utilisées ailleurs, en Normandie par exemple, et en participant à la libération du département de l’Ain.

 

  
Le musée de la Résistance et de la déportation à Nantua

 

Parmi ces hommes qui luttèrent avec abnégation, et dont certains perdirent la vie, on peut citer Robert Barneoud mort en 1989, René Chanel, Louis Bonaz, Gabriel Garadier, Jean Lusciana, les frères Fontaine et bien d’autres.




Train saboté dans l’Albarine à Saint-Rambert-en-Bugey

Beaucoup d’entre eux continueront ensuite la lutte en s’engageant dans le 99e Régiment d’infanterie Alpine dans le Briançonnais.


Minage du viaduc de la Vézeronce à Surjoux

 

La compagnie Richemond

En mars 1944, Robert Barnéoud, René Chanel et Gilbert Picquerey s’installent dans une exploitation forestière à la Done. Rapidement, ils sont une vingtaine et reçoivent des armes parachutées sur le terrain Mammouth.

La compagnie de Richemond, commandée par l’aspirant Picquerey, a pour adjoints l’adjudant Barnéoud et le sergent-chef Chanel et possède un « garage » avec un camion semi-remorque et une moto pour les liaisons.

 

       
Sommet du col de Richemond    Maquisards devant le camion nommé "le tigre"

 

D’une quarantaine d’hommes, la compagnie va rapidement passer à 150 hommes fin juillet, répartis en 4 sections, récupérant des équipements lors de "coups de main" à Belley et des armes planquées après l’important parachutage de Port vers Nantua. Son activité essentielle consiste à édifier des barrages routiers empêchant les velléités d’incursions allemandes.

Dès sa création la compagnie a pour mission de construire des barrages routiers pour empêcher toute incursion allemande sur les plateaux du Retord et d’Hauteville. Le mois de juin est crucial : le 8, les Allemands enfoncent un barrage mais la compagnie sauve son camion qu’elle baptise « Le Tigre ».

Le 8 juin un groupe de la compagnie commandée par Picquerey et Chanel doit décrocher, leur barrage ayant été percé par les Allemands. Le 9 juin la compagnie récupère son camion, qu’elle appelle « Le Tigre ». Dans les jours qui suivent, l’arrivée de nouveaux volontaires permet de créer deux sections supplémentaires. Le 14, la section de « René » monte une embuscade à Linod dans le Valromey, relevée par Maurice Morrier et se replie sur les crêtes.

 

       
                                                        Le maquis Ain-Haut-Jura

 

Juillet débute bien : lors de l’attaque du tunnel de Virieu-le-Grand, les Allemands se rendent et sont emprisonnés à Nantua puis 5 jours plus tard, une section bloque les Allemands qui tentaient une trouée vers Bellegarde. Mais la joie est de courte durée puisque le 12 juillet, les Allemands avec des forces importantes, des canons et des mortiers lancent l’opération Treffenfeld pour éradiquer les maquis.
L’attaque est rude. La compagnie Richemond comptant onze morts et un blessé grave, se replie sur le Crêt du Nu puis en Haute-Savoie.

 

Après le départ du gros des troupes, la compagnie Richemond reprend Culoz, poursuit les Allemands à Chindrieux, à Vions-Chanaz et jusqu’à Ruffieu en Savoie, repoussant les renforts allemands qui subissent de lourdes pertes.
Le 1er septembre, la jonction s’effectue avec d’autres maquisards cantonnés à Bohas vers Bourg-en-Bresse et avec des troupes américaines qui remontent la vallée du Rhône en direction de l’Est.
Trois jours plus tard, ces forces alliées investissent la ville de Bourg-en-Bresse.

 

             
Photo de Louis Burnard                    Maniement d'armes au maquis

 

Un exemple : Le destin de Louis Burnard

Né le 15 août 1923 à Corbonod (Ain), mort en action le 13 juillet 1944 à Billiat (Ain) ; bûcheron ; résistant des Forces françaises de l’intérieur (FFI).

En mars 1944, des jeunes gens venus de Seyssel et de Corbonod s’installèrent dans les bois pour travailler à l’exploitation forestière pour les Carburants Français. Louis Burnard y travailla comme bûcheron.

Il entra dans la Résistance dans les maquis de l’Ain à la compagnie de Richemond, créée le 6 juin 1944 par Maurice Morrier, alias "Plutarque" et commandée par l’aspirant Picquerey. La compagnie a pour mission de construire des barrages routiers pour empêcher toute incursion allemande sur les plateaux du Retord et d’Hauteville.



Le 12 juillet 1944 l’ennemi lança l’opération Treffenfeld destinée à anéantir les maquis. La compagnie de Richemond se battit de cinq heures du matin à midi et compta onze morts et un blessé grave. Plutarque donna alors l’ordre du repli sur le Crêt du Nu.
Louis Burnard fut tué à l’ennemi le 13 juillet 1944 à dix heures au lieu-dit "Le Thumey" à Billiat, lors du repli de la compagnie sur Cuvéry après les combats au col de Richemond.

 


Libération de Bourg 4/09/1944   
Levée des couleurs au camp de Grange-Matafelon

 

Voir aussi
Musée de la Résistance de Nantua - 

Maquis de l’Ain et du Haut-JuraLes maquisards de l’Ain -

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 << Christian Broussas  Maquis de l'Ain © CJB  ° 26/07/ 2020  >>
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11 juillet 2020 6 11 /07 /juillet /2020 05:31

             

 

De Trajan à Hadrien

Contrairement à une idée reçue, Auguste, en instituant l’empire, avait établi ce qu’il appelle le principat qui consistait à choisir comme successeur le princeps, le "premier", le "meilleur" d’entre les citoyens. Bien sûr, cette règle a été souvent reléguée au profit de la parentèle, surtout pendant la période des  « douze Césars » comme l’a qualifiée Suétone.

 

 
Bustes d’Hadrien et de sa femme Sabina

Avec la succession de Trajan, on est dans l’entre deux. Hadrien a bien toutes les qualités requises pour succéder à Trajan mais en plus ils ont un lien de parenté, certes assez lâche mais réel : La grand-mère d’Hadrien était la sœur du père de Trajan, Ulpia et Hadrien avait épousé une petite nièce de Trajan, Domitia Paulina. Des liens qui comptaient à l’époque.

 

 

 

Entre réalité et fiction

Il faut d’abord remarquer que l’œuvre de Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien est une œuvre romanesque qu’on ne peut juger à l’aune d’une érudition critique, c’est une fiction fondée sur un travail documentaire particulièrement sérieux, comme l’était toujours l’écrivaine dans son quotidien. Elle fut aussi une grande helléniste ayant appris le grec et le latin avec son père.

 

     
          Trajan                         Hadrien                              Auguste

 

Même si Mémoires d’Hadrien, est  suivi des carnets de notes qui informent sur la démarche documentaire de Yourcenar, ce n’est pas un ouvrage d’histoire mais  « un roman qui joue avec l’histoire ». Elle précisait d’ailleurs :« En octobre 1939, le manuscrit fut laissé en Europe avec la plus grande partie des notes ; j’emportai pourtant aux États-Unis les quelques résumés faits jadis à Yale, une carte de l’Empire romain à la mort de Trajan … et le profil de l’Antinoüs du Musée archéologique de Florence, acheté sur place en 1926, et qui est jeune, grave et doux. »

 

      
                                                              Hadrien et Antinoüs

 

Si elle a choisi Hadrien, ce n’est pas seulement pour retracer sa relation avec son favori Antinoüs mais aussi parce que l’homme est plus intéressant que son prédécesseur Trajan qui représente pourtant l’apogée de l’empire et que la documentation disponible sur Hadrien est vraiment d’une qualité exceptionnelle. Elle s’est également inspirée de l’exemple des Pensées pour moi-même de l’empereur Marc Aurèle pour créer un Hadrien se racontant à travers l’écriture.

 

      Buste d’Hadrien

 

Le buste d’Hadrien

Ce bronze a été exhumé de la Tamise, sur le site de Londinium, en 1834. Marguerite Yourcenar en possédait une reproduction dans un cahier et elle confie à son biographe Matthieu Galey [1] qu’elle a beaucoup réfléchi et médité sur ce bronze. Cette sculpture de l’antiquité tardive a sans doute joué un rôle capital dans la genèse des Mémoires d’Hadrien. Sa barbe, courte et bien taillée, ressemble plutôt à celle d’un militaire que, comme le disait Marguerite Yourcenar d’un philosophe.

 

    
Les réalisations d'Hadrien : le Panthéon et le Temple de Vénus et de Rome

 

Les voyages d'Hadrien [2]

Lors de ses voyages à Athènes (en 124-124 puis en 131-133), Hadrien s’initie aux mystères d’Éleusis. Yourcenar reprend cet épisode mais c’est Antinoüs qui s’initie au culte de Mithra mais Alexandre Grandazzi [3] y voit aussi l’influence de Flaubert, « les dieux n’étant plus et le Christ n’étant pas encore, il y a eu de Cicéron à Marc Aurèle un moment unique où l’homme seul a été. »

 

   Villa Hadrien à Rome

 

Concernant la mort d’Antinoüs dont on ne connaît pas la cause, Yourcenar choisit l’hypothèse du suicide sacrificiel, une des trois causes possibles dégagées par les sources. Ce qui rend cette option possible, c’est sa date, qui coïncide avec celle de la noyade d’Osiris.

En 131, Hadrien est en Lybie où se passe l’épisode de la chasse au lion. Yourcenar s’inspire des panneaux de l’Arc de Constantin à Rome sur le mont Palatin qui relatent cette scène. Sur ce sujet, Yourcenar a sans doute fait appel à son imagination, sa description particulièrement précise et rigoureuse, véritable ekphrasis, en témoigne.

 

   Spectacle en costumes

 

Notes et références
[1] Marguerite Yourcenar. Les yeux ouverts. Entretiens avec Matthieu Galey, éditions Le Centurion, 1980
[2] Voir aussi Les voyages d'Hadrien, Des sources antiques à Mémoires d’Hadrien
[3] Alexandre Grandazzi, "Urbs. Histoire de la ville de Rome, des origines à la mort d’Auguste" éditions Perrin, 2017 et "Une certaine idée de la Grèce" (entretiens avec Jacqueline de Romilly), éditions Bernard de Fallois, 2003.



  Vue du mur d'Hadrien

 

Voir aussi mes fichiers
* Yourcenar-Galey, Les yeux ouverts - Yourcenar, essais sur Pindare et Cavafy -
* Yourcenar, Mémoires d'Hadrien --
* Christophe Burgeon, Trajan --
Rome, la fin d’un empire, De Caracalla à Théodoric -- Valérie Girod, La véritable vie des douze Césars --

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3 juillet 2020 5 03 /07 /juillet /2020 13:23

Référence : Yves Lafontaine, La bataille de Sedan, 10-14 mai 1940, Editions de Fallois, 248 pages, juin 2020
 

« Les forêts des Ardennes sont impénétrables…» Philippe Pétain, mars 1934

La bataille de Sedan comme si on y était. Racontée par un général, avec la parfaite rigueur d’un féru de stratégie qui nous dit tout les détails de l’affaire... ou plutôt d’une défaite lourde de conséquences.
Décidément, Sedan ne vaudra jamais rien à l’armée française. À méditer pour la prochaine fois !
 

                  
                                                       Sedan en mai 1940

Cette bataille qui s’est déroulée dans les Ardennes, et a commencé le 10 mai par la percée de Sedan, représente le premier pas vers la défaite qui aboutira à l’armistice du 22 juin 1940. Revenir sur cette époque troublée, c’est réexaminer les détails d’un événement dont on a surtout retenu quelques clichés qui ont la vie dure, c’est analyser l’état des forces et apprécier les points forts et les faiblesses des forces en présence.

L’auteur, général lui-même et dont le grand-père y a commandé une division à Sedan, s’est appuyé sur les sources et les témoignages disponibles, pointe les erreurs du  haut commandement et montre que les unités engagées ont combattu vaillamment.
 

        
Blindés allemands dans les Ardennes en mai 1940


Il nous place au cœur de la bataille, aussi bien aux avant-postes comme Fabrice del Dongo à Waterloo qu’auprès du commandement, dans la configuration de la géographie ardennaise. On voit bien, à travers l’engagement des unités de la 55e division d’infanterie de son père, le général Henri Lafontaine (du 10e corps d’armée du général Grandsard), que malgré la volonté des soldats, l’équipement bien inférieur à celui dont dispose l’ennemi. Par exemple, le groupe de reconnaissance se déplace à cheval et ses trains de combat sont hippomobiles.
 

                    
Guderian à Bouillon le 12 mai 1940     Pont flottant allemand sur la Meuse 12 mai 1940

La 55e a une mission bien définie : défendre la position entre la Meuse et les crêtes du début des Ardennes et plus particulièrement l’axe Sedan Chemery-sur-Bar. Sa zone d’action se situe entre la Meuse au nord, la vallée de l’Ennemane à l’est, les contreforts de la ber à l’ouest et la ligne Le Mesnil-Sapogne.
 

                        
Eric Teyssier L'an 40    Stephan Martens La guerre de 40    

 

Yves Lafontaine nous offre un état des lieux précis de la situation militaire, les généraux et colonels souvent marqués par leur expérience de la Grande Guerre. Puis la guerre elle-même, des Allemands entrainés à la guerre avec des chars, la percée, l’échec de la contre-attaque, la victoire allemande et les faiblesses françaises.
 


L'évolution du front du 13 au 28 mai 1940

 

Les Allemands ont reconnus l’ardeur des Français au combat malgré la courte vue des chefs militaires français et leur style de commandement vieilli. Il est aussi très intéressant de lire par exemple l’analyse du lieutenant-colonel Hermann Balck ou celle de l’officier et historien Karl-Heinz Frieser sur les causes stratégiques de la défaite française.

   Tranchée française en mai 1940
 

Voir aussi
* Pierre Stéphany, La guerre perdue de 1940, 10 mai-25 juin, éditions Ixelles, mai 2013
* Yves Charpy, Une défaite annoncée, 10-11 mai 1940, éditions Sutton, 404 pages, 09/2018
* Rémy Porte, 1940, vérités et légendes, éditions Perrin, juin 2020 --
* Général Beaufre, Le drame de 1940, éditions Perrin, 368 pages, juin 2020
* Mes fichiers sur :
   Les causes de la défaite de 1940, De Gaulle et les Grands --
* Mon site Autour de l'Histoire --

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27 juin 2020 6 27 /06 /juin /2020 18:49

Référence : Jean-Marc de la Sablière, La Saga des Farnèse, éditions Robert Laffont, 389 pages,, janvier 2020

 

       
                                                  Le palais ducal de Colorno

 

Une grande famille de la Renaissance

L‘histoire pas toujours édifiante de la famille Farnèse, née au Moyen Age dans la région du lac de Bolsena, prend son essor à l’orée du XVe siècle. Certains de ses rejetons auront de beaux destins jusqu'à la reine Élisabeth Farnèse. Elle connaîtra son apogée sous la Renaissance avec des représentants comme le pape Paul III  qui jouera son rôle dans la lutte contre le protestantisme et dans l'évolution de l'Eglise.
 

Leur histoire est celle de ces grandes familles de la Renaissance dont les Médicis sont le produit le plus accompli. Derrière le pouvoir et la munificence, elles sont l’illustration d’un mélange de diplomatie, de force et de cynisme qui trouvera sa parfaite expression chez Machiavel.

 

     
Alexandre Farnèse, Pape Paul III 
Cardinal Ranaccio Farnèse Le Titien 1542
Cardinal Alexandre Farnèse Le Titien 1546 (neveu du pape Paul III)

 

Comme les autres grandes familles "italiennes", son objectif est le siège pontifical qu’elle réussira à occuper avec Alexandre, élu pape sous le nom de Paul III. "Élire" est un bien grand mot puisque personne n’eut la mauvaise idée de se présenter  contre lui. Et puis, vu son âge, ses collègues ne pensaient guère à un long pontificat. Mal leur en prit puisqu’il eut un rôle (temporel) fort important.
 

Le futur pape a longtemps conseillé plusieurs de ses prédécesseurs, en particulier les illustres Alexandre VI lui-même, , son ennemi juré, également Jules II, et son élection n’a donc été qu’une formalité. On le jugeait sans grande conviction mais il a su garder un équilibre précaire pour assurer la sécurité du Saint-Siège, jonglant entre les autres puissances italiennes, l'Empire de Charles Quint et la royauté française de François Ier. Il a aussi composé avec la montée en puissance des Luthériens qui ne pouvait qu’abaisser la papauté.
 

     
Élisabeth Farnèse reine d'Espagne par Jean Ranc 1723
Charles Farnèse duc de Parme puis le roi d'Espagne Charles III


Des Farnèse on connaît le faste, la grandeur et son influence sur la Renaissance italienne où elle s’évertua à protéger les arts. Elle possédait à Rome le palais Farnèse et sa magnifique collection de sculptures antiques parmi lesquelles le Taureau de Farnèse, aujourd'hui à Naples,  La Flore, L'Hercule et Le Gladiateur.

 

             
Édouard 1er 5ème duc de Parme          Le palais Farnèse de Rome

 

Parmi les monuments provenant de cette famille, on peut citer la villa Farnèse à ,Caprarola, ou le palais de Colorno. Mais quand le roi d’Espagne Charles III (d’abord duc de Parme et fils de la princesse Élisabeth Farnèse) quitta Parme pour Naples en 1734, il emmena beaucoup d’œuvres d’art actuellement au musée Capodimonte de Naples.
 

                         
Atlas Farnèse statue d’Atlante   Hercule Farnèse    Taureau Farnèse Le supplice de Dircé
 

Les ducs de Parme se sont  alliés aux grandes dynasties ou princes de l'Église pour consolider leur pouvoir.  Ils vivront parfois des destins remarquables comme son petit-fils le Grand Cardinal, Alessandro, petit-fils de Charles Quint, qui sera vers la fin du XVIe siècle le grand général de Philippe II, le plus fameux capitaine de son temps.
Après une époque de relatif effacement au XVIIe siècle, l’embellie vint d’Élisabeth Farnèse qui devint reine d’'Espagne par son mariage avec Philippe V, petit-fils de Louis XIV.
 

            
Antoine 8ème duc de Parme         Le palais Farnèse de Caprarola

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<< Christian Broussas  Les Farnèse © CJB  ° 25/06/ 2020  >>
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