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30 juillet 2020 4 30 /07 /juillet /2020 13:56

Littérature et philosophie chez Amélie Nothomb

Référence : Marianne Chaillan, Ainsi philosophait Amélie Nothomb, préface de Raphaël Enthoven, Albin Michel, 216 pages, février 2017

 

       

 

La philosophe Marianne Chaillan nous offre une fiction originale dans laquelle la romancière Amélie Nothomb nous emmène sur les traces de certains de ses personnages. Elle aurait instillé subrepticement dans ses romans des concepts philosophiques dans des situations romanesques. Mais de grands penseurs vont être convoqués pour éclairer notre lanterne.

 

       

Où la philosophe peut se dissimiler sous des dehors fictionnels. Amélie Nothomb "écrivaine philosophe", alors ? Laissons d'abord la parole à Hannah Arendt, « Amélie Nothomb écrit des récits fictionnels dans la forme. Mais dans le fond, ce sont des ouvrages philosophiques » puis à Nietzsche qui précise : « Les livres d'Amélie sont très puissants. Sous leur apparente simplicité, se cache de la dynamite philosophique ».

 

      
Hanna Arendt et Acide sulfurique

 

Marianne Chaillan a ainsi choisi la fable pour aborder des concepts philosophiques. Ça commence par une mauvaise nouvelle : Amélie est morte. Au paradis, elle est accueillie par deux de ses personnages Plectrude l'héroïne du Robert des Noms propres, à la jeunesse chaotique et Déodat, celle de Riquet à la houppe, aussi intelligente que laide, dit-elle... Cette dernière lui explique le fonctionnement du paradis : des musiciens, des boulangers, des cinéastes... réunis autour d'une passion commune.

Reçue par un nommé Épiphane, pas très beau comme le héros d’Attentat, elle accède au paradis (sans passer par la case purgatoire) mais dans le groupe des philosophes et non comme elle aurait voulu, dans celui des écrivains. Furieuse, elle fait appel de cette décision inique où, au cours du procès, le gratin de la philosophie va défiler à la barre et défendre l’idée qu’Amélie Nothomb est bien l’une des leurs. Mais, Amélie n'aura pas le droit d'intervenir, juste celui d'écouter.

 

      
Cicéron et Le crime du comte Neville


La première est Hannah Arendt pour qui le roman Acide sulfurique où l’on trouve dit-elle, une théorie de « la banalité du mal ». Intéressant pour un début. La suite est pas mal non plus avec de grosses pointures, pêle-mêle Levinas, Cicéron, Sartre, Spinoza, Hegel, Heidegger, Jankélévitch et Nietzsche.

 

       
Emmanuel Lévinas et Journal d'hirondelle

 

La romancière se métamorphose au fil des témoignages, versant stoïcienne dans Le crime du comte Neville pour Cicéron, égérie de la liberté de l’individu pour Sartre, championne du poids de l’enchaînement des causes sans résignation pour Spinoza.

 

       
Friedrich Hegel et Stupeur & tremblements

 

Levinas voit dans son  Journal d’hirondelle l’idée de  « la fatigue d’être, ou d’avoir à être », Hegel décèle dans Stupeur et tremblements le souci de la reconnaissance d’autrui, Spinoza (de nouveau) voit dans Biographie de la faim la connaissance de soi dans un désir qui reste inassouvi, Jankélévitch pense que dans La nostalgie heureuse, le spleen qui s’en dégage se transforme peu à peu pour aboutir à un calme ennuyeux.

 

       
Baruch Spinoza et Biograpbie de la faim


Heidegger voit, dans Métaphysique des tubes, une dualité de la mort et de la vie où cette dernière se développe « sous la lumière de la finitude ». Marianne Chaillan lui fait dire aussi « Comme Gide, Amélie Nothomb n'écrit pas seulement pour être lue, mais pour être relue. N'est-ce pas pour cette raison que ces textes sont courts ?  »

 

       
Vladimir Jankélévitch et La nostalgie heureuse

 

Et pour en finir avec cet aréopage de philosophes éclairés, Nietzsche pense que Ni d’Eve ni d’Adam représente une approche très intéressante de la complexité du langage.

 

       
Martin Heidegger et Métaphysique des tubes

 

Quant au jugement final du tribunal du Paradis… il est mis en délibéré sine die. Il en est ainsi de la justice et du jugement des philosophes !

 

       
Friedrich Nietzsche et Ni d'Ève ni d'Adam

 

Quelques exemples

Hannah Arendt parle de sa théorie de la banalité du mal qu’elle développe dans Eichmann à Jérusalem et retrouve dans Acide sulfurique ou le débat entre Cicéron, Spinoza et Sartre est l’occasion de confronter leurs idées sur des thèmes aussi variés quele destin, la liberté ou le stoïcisme…

Le livre permet aussi d’aborder des notions comme la nostalgie avec Vladimir Jankélévitch et le passage de son ouvrage L’irréversible et la nostalgie à celui de Nothomb La Nostalgie heureuse, comme Hegel montrant comment la dualité "je et il" se retrouve dans Stupeur et tremblement  ou comme Heidegger qui, à travers Ni d’Ève ni d’Adam, traite la question du langage.

 

Mes fiches sur Amélie Nothomb
* Ainsi philosophait Amélie Nothomb --
* Amélie Notomb, Son parcours -- Soif --
*
Amélie Notomb, Pétronille -- Biographie de la faim --

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