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2 mars 2024 6 02 /03 /mars /2024 20:52

Référence : Andréa, Veiller sur elle, éditions L’Iconoclaste, 592 pages, 2023

« Mimo et Viola n'auraient pas dû se rencontrer... »

 Jean-Baptiste Andréa,  le lauréat du prix Goncourt 2023, est aussi réalisateur et scénariste. Il a déjà publié trois romans basées sur des épopées que vivent des héros paumés à l’enfance chaotique, écrits dans la pure tradition du réalisme.

Tous ces bousculés de la vie ont un énorme besoin de consigner le parcours qu’ils ont fait, conjugué à travers les rencontres qui l’ont tissé, où se font et se défont leurs histoires au fil du temps.

Dans son roman Ma reine paru en 2017, Shell fuyait loin dans la montagne pour vivre pleinement sa vie, Cent millions d’années et un jour datant de 2019 abordait l’exploration, par Stan, du cœur d’un glacier dans les Dolomites, poursuivant un rêve d’enfant – le plus grand des fossiles de dragon et dans Des diables et des saints en 2021, un septuagénaire fréquente les halls de gare, jouant du piano pour lui-même peut-être, à la poursuite de son enfance à l’orphelinat.

« Je ne mesure qu'aujourd'hui ce que la beauté du jour doit à la prescience de la nuit. » p 40

Veiller sur elle
Dans ce roman, on est toujours confronté à cette errance entre une confession autobiographique du sculpteur (fictif) Mimo Vitaliani et une autre forme de biographie écrite à la troisième personne. La biographie... d'une œuvre qui est une Pietà, chef-d’œuvre de MimoVitaliani. L'intrigue se déroule dans le Piémont en Italie, contrée qu'il connaît fort bien. Tout en parlant de sculpture, il aborde aussi d'autres sujets, réfléchissant au fait de savoir ce que vaut une vie...

Le parcours de Vitaliani
Recueilli tout jeune par son oncle dans le pays de la pierre rose de Pietra d’Alba, le sculpteur se bat avec le marbre très présent dans ce « pays d’altitude et de sources. » Auprès de Viola, fille des aristos voisins, il apprend à dialoguer avec les morts et à construire des machines volantes. Ils vont ensuite se croiser et se recroiser, Vitaliani s'installant à Florence puis à Rome, mais revenant toujours à Pietra d’Alba... vers Viola.

À travers les sentiers piémontais dont l’auteur dit qu’ils « changent de place à mesure qu’on les foule », le roman nous emmène vers la Pièta sculptée par Vitaliani… qui parvient à créer une troublante émotion chez les moines si bien que le Vatican se verra contraint de la mettre à l’écart. Pour Vitaliani, travailler la matière revient à « enlever des couches d’histoire », jusqu’à atteindre celle « qui nous concerne tous ».

Cette sculpture était au départ une œuvre commandée par le régime de Mussolini avant que Vitaliani  décide de rompe avec le fascisme. La dénonciation de la tyrannie socio-politique est aussi un des points-clé de cet ouvrage qui se situe au cœur du livre.

Pour l’auteur, c’est là tout l’art de la création, que ce soit celle d’un sculpteur ou celle d’un écrivain car la création doit dépasser la matière, la technique, au-delà de tous les vains efforts des exégètes du Vatican et autres philologues pour expliquer l’ineffable. Rien ne pourrait rendre « l’étrange présence » de la Pièta de Vitaliani.


Voir aussi Les Goncourt :
*
Jérome Ferrari, Goncourt -- Mathias
Énard, Boussole --
* Le Tellier,
L'anomalie -- Lemaitre, Au-revoir là-haut --
* N. Mathieu,
Leurs enfants après eux -- Vuillard, L'ordre du jour --

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<< Christian Broussas  •  Andréa Veiller sur elle
   ©  CJB   ° 02/03/2024  >>
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