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8 juillet 2019 1 08 /07 /juillet /2019 20:59

Référence : Charles-Éloi Vial, 15 août 1811, L’Apogée de l’Empire, éditions Perrin, 432 pages, avril 2019

 

L'état d'un Empire à l'apogée de sa puissance, et à l'aube de son déclin.

 

           

Comme dit l’adage, « Il n'y a pas loin du Capitole à la Roche Tarpéïenne » et il peut très bien s’adapter à la situation de l’Empire en ce jour de 15 août 1811, pour la Saint-Napoléon, fête nationale de l'Empire. L’empereur lui-même, lucide en l’occurrence, n’a-t-il pas dit « Du triomphe à la chute, il n'est qu'un pas. » Il a bien raison : si 1811 est le sommet, 1812 sera le début de la chute.

Dans tout l’Empire des 130 départements, que ce soit à
Paris, Milan ou Amsterdam, feux d'artifice et concerts célèbrent en grande pompe l'anniversaire de l’empereur qui célèbre dignement ses 42 ans. De surcroît, il vient d’avoir enfin un fils et successeur, le roi de Rome, donnant au Premier Empire une légitimité dynastique qui lui faisait cruellement défaut.

         

Malgré tout, derrière les festivités, se profilent l’ombre des difficultés qui s’accumulent. La situation en France s’est beaucoup détériorée, les Français souffrent de la faim, de la crise économique et le mécontentement commence à se répandre dans le pays. Même constat hors du pays, dans les pays soumis à la férule napoléonienne, la contestation gronde.

À
Londres, à Vienne, à Berlin, on prépare la revanche et la reprise de la guerre entre la France et la Russie. Aux Tuileries, lors de la cérémonie, Napoléon se permet d’insulter l'ambassadeur du tsar, le prince Kourakine, ce qui produit un effet déplorable dans toute l’Europe. Son collègue Nesselrode pense que ce " Jupiter tonnant" vire au psychotique et s’empresse de rapporter l’incident au tsar.

          
La St-Napoléon                  Demi franc Napoléon

 Si cette journée de consécration a marqué l’
Europe comme sceau de la puissance française, l’histoire l’a vite engloutie dans le gouffre de l’oubli.

Charles-Éloi Vial nous fait revivre cette journée particulière à la lumière de documents inédits, nous plongeant aussi bien dans le fonctionnement du Premier Empire que dans les dédales des politiques des États européens qui sont loin d’être convergentes, le Congrès de Vienne en fera la démonstration en 1815.

     

 

Voir aussi
* Charles-Éloi Vial, Napoléon à Sainte-Hélène, Éditions Perrin, 2018
* Charles-Éloi Vial, Le dernier voyage de l’empereur, Édition Vendémiaire, 2015
* 15 août 1811 : Un témoignage --

<< Christian Broussas • °° 11 août 1811°° - Divonne - 28/06/2019 >>

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27 juin 2019 4 27 /06 /juin /2019 21:49

Des ministres et contrôleurs des finances de Louis XVI, on connaît surtout Turgot et Necker mais c'est Charles-Alexandre de Calonne qui a exercé la charge de ministre des finances le plus longtemps, de 1783 à 1787. Il a ainsi joué un rôle clé entre "l'ére Necker" en 1777-1781  et ses deux très courts retours au ministère en 1788 et 1790.

 

          
                          Calonne par Vigée-Lebrun

Pour parvenir au sommet de l’État, il a d’abord comploté pour renverser Necker. [1] À part les Parlements, il compte alors beaucoup de partisans, surtout parmi les gens de robe et de finance. Il faut dire qu’il compte de solides appuis parmi les amis de sa défunte femme et de sa maîtresse, le clan Polignac très proche de la reine et le comte d’Artois, futur Charles X ainsi que le très influent Vergennes.

 

Lors de sa nomination par Louis XVI, on a dit de lui qu’il n'est ni un doctrinaire comme Turgot ni un philanthrope comme Necker.

Bref, son arrivée aux finances de l’État est plutôt vue comme une bonne chose et on attend beaucoup de lui après le bref et calamiteux ministère D’Ormesson.

 

             
Calonne. Financier, réformateur       L’agiotage dénoncé par Mirabeau

 

Il s’oppose à Necker sur la nécessité de réduire les dépenses publiques et pencherait plutôt vers la relance, prônant « une politique d’argent facile » lui reprochent ses adversaires qui regrettent l'abandon des réformes de Necker pour rendre plus efficace l'administration et réduire les dépenses inutiles.

 

Calonne hérite d’une situation désastreuse : à la crise financière s’ajoute une crise de trésorerie et une crise de confiance de la part des rentiers et des financiers. Il comprend qu’il faut agir par le crédit : « L’argent manquait, parce qu’il ne circulait pas : il a fallu en répandre pour l’attirer […] L’essentiel était alors de ramener la confiance égarée. »

 

Dans un premier temps, il va réussir en initiant une politique de relance par des grands travaux : poursuivre le percement du canal de Bourgogne, améliorer la navigation sur la Saône, financer des travaux dans les ports maritimes (Cherbourg, Dunkerque) et plusieurs grandes villes, augmenter le nombre de ports francs…

 

      
Un compte-rendu de Necker  L'Assemblée des notables

 

Calonne procède aussi à une relance des dépenses publiques (qui bénéficie surtout à la cour), facilite l’investissement industriel et signe un traité de commerce avec l’Angleterre. Cette politique va avoir pour conséquence  d’engendrer un emprunt évalué à 653 millions et de déséquilibrer le budget de l’État qui passera d’un déficit de 86 millions en 1785 à un déficit de 125 millions deux ans après. 

 

Face aux graves difficultés financières, Calonne engage en 1785 une réforme monétaire pour éviter trafics et contrefaçons, en allégeant le poids des louis d'or (opération portant sur 750 millions de livres), l’or français exporté devenant ainsi plus cher et bénéficiant au Trésor royal pour 3 millions et soutenant les emprunts d’État.
 Mais elle lèse beaucoup d'intérêts et a du mal à se mettre en place, ce qui laisse à ses opposants le temps de s'organiser.

 

          
       Vergennes                                Louis XVI                 Loménie de Brienne

 

Calonne, qui sent que l’opinion risque de le lâcher, va alors tirer sa dernière cartouche en proposant à Louis XVI un vaste plan de réformes financières. Réforme drastique des recettes d’État [2] et surtout instauration d'une taxe sur les propriétés de la noblesse et du clergé. Cette dernière réforme passerait par la création d'une « subvention territoriale », impôt unique remplaçant les anciens vingtièmes et frappant tous les revenus fonciers sans distinction de privilèges.

 

En prenant connaissance du plan de Calonne, Louis XVI aurait dit : « C'est du Necker tout pur que vous me donnez là ! » mais il soutint le projet. En fait, ce plan ressemblait plutôt à celui de Turgot qui préconisait déjà la suppression des trois ordres dans les assemblées locales.

 

Problème : le Roi ne pouvait créer un impôt permanent qu'en consultant soit Les états généraux soit L’Assemblée des notables. Calonne va choisir la seconde solution et il va vite déchanter, la plupart des nantis, membres de cette assemblée, étant contre toute réforme. 

 

            
  Lettre de Calonne au roi           Écu de Calonne en argent de Louis XVI



Tout est entre les mains du roi : soit il accepte et les finances se trouvent structurellement assainies, soit il refuse, Calonne s’en va et rien n’est réglé.
Et Louis XVI, le velléitaire, refusera de s’opposer aux privilégiés qui ne voient que leur intérêt immédiat et précipitent le pays dans une nouvelle grave crise financière.


Cette fois, on semble bien avoir épuisé toutes les solutions pouvant éviter un blocage. Son successeur Loménie de Brienne n’y pourra rien, pas plus que Necker rappelé aux affaires pour deux trop courtes durées.
La monarchie ne s’en remettra pas.   

 

     

 

Notes et références
 [1]  On lui attribut notamment un libelle virulent contre Necker, la Lettre du marquis de Caracciole à M. d'Alembert en 1781.
[2] Avec des mesures telles que supprimer les douanes intérieures et les traites, réduire la taille, remplacer les corvées par une prestation en argent, transformer la Caisse d’escompte en une banque d’État.  

 

Voir aussi
* Emmanuel de Valicourt, Calonne, la dernière chance de la monarchie, éditions Clément Juglar, 420 pages, 2016) --
* Robert Lacour-Gayet, Calonne. Financier, réformateur et contre-révolutionnaire, 1734-1802, Paris, 1963
* La France de Calonne --
* Juillet 89 : Necker est renvoyé --
* Tentatives de réformes sous Louis XVI --

 

<< Christian Broussas • °° Ch. de Calonne °° - Divonne - 27/06/2019 >>

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26 juin 2019 3 26 /06 /juin /2019 22:15

Référence : Henri de Montvillier, Michel Onfray, le tribun de la plèbe, Introduction à sa pensée politique, Les éditions de l’Observatoire, hors collection, 144 pages, 2019

 

« Ce pouvoir que Paris inflige à la province, on doit en finir avec ça, on doit pouvoir laisser la parole au peuple» Interview, 11 avril 2017

 

    

 

L’objectif d’Henri de Montvillier est de démontrer que la pensée de Michel Onfray n’a jamais varié, qu’il n’est pas passé, contrairement aux allégations de certains journalistes, de la gauche au camp de la réaction ou même à la droite la plus dure. Au contraire, dans son essence elle est toujours la même, inspirée par deux écrivains dont il se sent très proche, Nietzsche et de Camus. [1]

À partir de leur pensée/parcours, il a élaboré une pensée de gauche libertaire qui se veut pourtant réaliste. Il rejette ainsi aussi bien une gauche qui ne renie pas le libéralisme qu’une gauche autoritaire tentée par le marxisme.

 

   

Michel Onfray part des aspirations du peuple –sans doute les connaît-il mieux que la plupart de ses confrères- intervenant dans le débat public avec ses formules tranchantes et son bagout qui ne plaît pas à tout le monde. Éric Fottorino dit de lui : « C'est toujours la même voix qui parle, tissée de savoirs et de révoltes, à fleur de peau et de conscience. Une voix engagée dont la spontanéité ne va jamais sans l'étude approfondie des textes, des idées, sans concession ni facilité. »

Il a en particulier exprimé sa pensée dans cette formule « Défendre son peuple, sa nation, son existence, son identité, ça n’est pas être xénophobe, » et dans son livre intitulé "La parole au peuple".

 

          

Être tribun du peuple, signifie d’abord affirmer sa fidélité au peuple d’où il vient, et dans la réalité être un exemple, initier des actions qui l’ancreront vraiment à gauche sans qu’on puisse lui contester ce qu’il est et ce qu’il fait. L’Université populaire ou celle du goût en sont les deux exemples les plus symboliques.

Il veut proposer un projet politique rompant avec les politiques traditionnelles de la gauche pour redonner le pouvoir au peuple, pouvoir confisqué par la bourgeoisie dominante depuis la Révolution française. Pendant la campagne présidentielle de 2017, il disait dans une interview qu'il fallait « Redonner un vrai pouvoir aux mairies, un vrai pouvoir aux départements, repenser la question des régions en terme de Parlement, penser l'État aussi de manière libertaire... »

 

   
De plus, par définition, le tribun s’érige en porte parole de ceux qui ne peuvent pas faire entendre leur voix, il est « la voix des sans-voix », celui en qui ils se reconnaissent. Et les gens ont tendance à le remercier pour son implication, à s’identifier à la personne et au discours du philosophe.

Ce besoin d’être compris et représenté montre bien les manques de la démocratie française, les limites du scrutin majoritaire, le pessimisme vis-à-vis de la classe politique, l’éloignement de la bureaucratie européenne.

 

         

Le résultat de cette situation est assez simple : de plus en plus d’électeurs refusent de voter ou préfèrent voter blanc. Exemple parmi d’autres : plus de 56 % d’abstention au second tour de la présidentielle de 2017, soit quelque 25 millions d’électeurs. Sans compter tous ceux, comme Michel Onfray, qui ne sont même plus inscrits sur les listes électorales.

 

En contrepartie, le tribun se doit d’être sans taches, d’une droiture absolue tout en montrant du doigt les compromissions, les promesses faciles ou la béance entre discours et réalité, les scandales qui entachent tout le personnel politique. Michel Onfray adore pratiquer "la chronique d’actualité" à l’occasion d’interventions à la radio et la télé ou d’interviews dans la presse écrite ou également de façon plus structurée dans des chroniques qui lui permettent de s’exprimer sur des faits d’actualité.

 

 

Notes et références
[1] * Voir en particulier mes fiches intitulées Onfray et Nietzsche -- Michel Onfray et Albert Camus --

 

Voir aussi
* Accès à mon site Catégorie Michel Onfray --
* Voir en particulier mes fiches Michel Onfray, Camus et l'ordre libertaire --

<< Christian Broussas • °° Onfray Tribun °° -- Divonne -- 26/06/2019 >>

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26 juin 2019 3 26 /06 /juin /2019 21:58
Milan Kundera : les 90 ans du discret romancier

 

On le croise parfois en balade avec sa femme Véra à Paris dans le 6e arrondissement. "Discret" est le moins qu’on puisse dire puisqu’il refuse toute interview depuis une trentaine d’années. « Je suis né un 1er avril, rappelait-il avec un brin d’ironie, ce n'est pas sans impact sur le plan métaphysique ».

 

Tchèque, Français depuis 1981,  celui qui vient d’avoir 90 ans a peint d’une façon très sarcastique la condition humaine, n’a jamais obtenu le prix Nobel, malgré qu’on la présentât à plusieurs reprises comme l’un des favoris. Mais il est aussi un des rares auteurs à avoir été publié de son vivant dans La Pléiade en 2011. 90 ans, lui qui faisait dire à l’un des ses personnages dans La fête de l’insignifiance qu’il fallait se méfier des chiffres qui renvoient à « la honte de vieillir. »

 

              

Il dut aussi faire face à une campagne l’accusant d’avoir dénoncé un homme à l’poque stalinienne, ce qui l’avait beaucoup affecté. Il eut aussi à faire face à des critiques qui pensaient que les œuvres de sa "période française" étaient moins bonnes que celles de sa "période tchèque". 

Sa critique du bilan des illusions politiques de la génération du "coup de Prague" qui, en 1948, facilita la prise de pouvoir par les communistes et le choc de l’invasion soviétique de 1968, provoquèrent une rupture et son exil en France.


  Milan Kundera avec son épouse en 1973

 

Le français comme langue d'écriture 

Mis à l'index dans son pays après le Printemps de Prague, Kundera s'exile en France avec sa femme Vera en 1975. Naturalisé français en 1981, il choisira dès lors le français comme langue d'écriture pour marquer sa rupture avec la Tchéquie qui l’a déchu de sa nationalité en 1978.

En France, il publie "La valse aux adieux", "Le livre du rire et de l'oubli" et en 1984 son roman le plus connu, "L'insoutenable légèreté de l'être", à la fois roman d'amour et ode à la liberté, tout aussi grave que désinvolte, sur les aléas de la condition humaine. Il sera adapté au cinéma en 1988 par Philip Kaufman, avec Juliette Binoche et Daniel Day Lewis.

 

     

 

Le roman comme objet d’étude

Kundera a publié plusieurs essais dont en 1986 "L'art du roman" où il avançait cette idée : « En entrant dans le corps du roman, la méditation change d'essence. En dehors du roman, on se trouve dans le domaine des affirmations, tout le monde est sûr de sa parole: un politicien, un philosophe, un concierge... Dans le territoire du roman, on n'affirme pas : c'est le territoire du jeu et des hypothèses ».

Dans son dernier récit "La fête de l'insignifiance", à travers l'un de ses personnages, il continue sa réflexion sur cette humour qu’il définit d’abord comme le refus du sérieux : « Nous avons compris depuis longtemps qu'il n'était plus possible de renverser ce monde, ni de le remodeler, ni d'arrêter sa malheureuse course en avant. Il n'y avait qu'une seule résistance possible : ne pas le prendre au sérieux. »

 

                

 

Continuité et rupture

Avec La Lenteur et L’identité, L’ignorance clôt ce qu’on a appelé « la trilogie française. » Outre le fait que Kundera les a écrites directement en français, elles ont surtout une structure différente de ses œuvres précédentes. Délaissant la construction longue et charpentées, il passe à des romans plus courts, plus denses divisés en chapitres courts et nombreux.

Paradoxalement, son style reste identique, le changement de langue ne changeant pas sa façon d’écrire, directe, cursive, sans fioritures avec une grande économie dans ses descriptions, aussi bien ses personnages que leur environnement, « la même rythmique, la même fluidité du débit narratif » précise dans la postface à L’ignorance, François Ricard.

 

On peut constater aussi la permanence de ses grands thèmes qui reviennent d’un roman à l’autre, marquant la cohésion er la continuité de son œuvre. Par exemple, L’ignorance fait écho à La valse aux adieux ou Le livre du rire et de l’oubli centrés déjà sur l’émigration, le Ludvik de La plaisanterie revenait lui aussi dans sa ville natale après un long "exil".

 

La nouveauté dans l’œuvre de Kundera réside surtout dans sa volonté de densifier son récit tout en recherchant une grande économie de mots, « la mise au point d’une forme romanesque capable de contenir dans un minimum d’espace textuel une variété et une densités dramatiques et sémantiques maximales. » [1]

 

Le foisonnement des situations s’exprime à travers un parcours parfaitement cohérent entre le destin croisé des différents personnages qui compose une espèce de symphonie, un grande fresque sur le substrat de la condition humaine.
Tout ceci éclairé par des réflexions sur l’histoire de la Tchécoslovaquie, l’exil d’Ulysse et la nostalgie, Schönberg et la fin de la musique ou sur la langue maternelle.
Innovation essentielle qui « réduit le temps de lecture sans réduire en rien l’abondance et la diversité de la matière romanesque. » [1]



Milan Kundera, les grandes dates :

1er avril 1929 : naissance à Brno (actuelle République tchèque) 
1948 : entre au Parti communiste dont il est exclu deux ans plus tard. Réintégré en 1958.
1953 : premier recueil de poèmes "L'homme, un vaste jardin"
1967 : parution de "La Plaisanterie"
1970 : perd son poste d'enseignant après l'écrasement du Printemps de Prague. Ses livres sont interdits dans les librairies et les bibliothèques, lui est interdit de publication.
1975 : exil en France. Naturalisé français en 1981, avec le soutien du président Mitterrand.
1979: "Le livre du rire et de l'oubli". Déchu de sa nationalité.
1984: "L'insoutenable légèreté de l'être", son roman le plus connu.
1995: "La Lenteur" (premier de plusieurs romans écrits directement en français).
2011: publication de son œuvre en deux volumes dans la collection de la Pléiade.

Notes et références
[1] Voir François Ricard dans la postface à L’ignorance

 

Voir aussi
* Jean-Dominique Brierre, Milan Kundera, une vie d'écrivain, éditions de L'archipel --
* Mes fiches sur Milan Kundera --
* Autres oeuvres : L'Immortalité -- Sa trilogie "tchèque" :  La plaisanterie -- La vie est ailleurs -- La valse aux adieux --

 

<< Christian Broussas – Kundera, 90 ans - 25/06/2019 © cjb © >>

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26 juin 2019 3 26 /06 /juin /2019 18:10

Complainte de retour d'exil : sous le signe d'Ulysse

Référence : Milan Kundera, L'ignorance, éditions Gallimard, collection Blanche,postface de François Ricard, 192 pages, avril 2003

    
                            kundera et sa femme Véra en 1973


Dans La lenteur, Milan Kundera mêlait aussi récit et essai, la vitesse thème dominant de notre époque, fait qu’on délaisse la préservation de la mémoire et la lutte contre l’oubli car écrit-il, « le degré de la vitesse est directement proportionnel à l'intensité de l'oubli ».

On retrouve une démarche identique dans L’ignorance dont l’auteur dit que ce n’est « 
ni un roman politique, ni un texte autobiographique ».  Il se sent sans doute à l’aise dans ce genre mixte entre essai (où il excelle dans Les testaments trahis ou L’art du roman) et la profusion romanesque comme dans La plaisanterie.

L’intrigue débute par la rencontre dans un aéroport, entre deux « dissidents » tchèques réfugiés à l'Ouest, qui retournent, le temps d’un voyage, dans leur pays d'origine. Même si « à mesure que des pans de sa vie s’effondrent dans l’oubli, l’homme se débarrasse de ce qu’il n’aime pas et se sent plus léger, plus libre », le retour au pays sera pour ces exilés, très difficile et compliqué.

 

                 

L'ignorance n’est pas ici manque de connaissance –ce serait trop simple- mais insuffisances de l’humaine nature, invisibles dans le train-train du quotidien, à l’abri du « rideau de la normalité ». Par exemple, ils doivent faire face à l'ignorance de leurs souvenirs respectifs.

Elle se révèle également dans des situations spécifiques comme la Terreur révolutionnaire en France. Cette ignorance est donc collective et existentielle et impacte la mémoire, et surtout le phénomène de l'oubli qui pour Kundera prend le pas sur le travail de la mémoire quand il écrit : « De quoi je me souviens ? De très peu de choses. Et l'autre ne se souvient pas des mêmes choses. C'est donc une non-rencontre  voilée par l'émotion. Mais, dès que la situation subit une vraie analyse, vous vous rendez compte de la présence de l'oubli. »

La confrontation entre la mémoire et l’oubli est essentiellement abordée à travers le destin de deux émigrants tchèques. Irena, veuve et mère de famille "exilée" depuis vingt ans en France et qui s’en trouve très bien. Après la mort de Martin son mari, elle a vécut avec Gustaf, un entrepreneur suédois et vit maintenant avec Josef, tchèque comme elle et ami d’enfance installé au Danemark. Comme souvent chez Kundera, ses personnages vont se croiser, s'aimer et se détester, se lancer dans une espèce de valse aux adieux, titre d’un autre de ses romans.

Le retour d’Irena rappelle à Kundera le retour d'Ulysse dans son Ithaque natal : personne ne demande jamais à l’émigrant de raconter son expérience. Mais le problème, c’est que le retour d'Ulysse à Ithaque n'est plus concevable à notre époque.

 

     
                                                     Kundera avec Philip Roth

 

L’histoire du pays conditionne largement le destin de ses habitants : 1918, Indépendance. 1938, tentative de résistance contre Hitler. 1948, instauration du communisme, 1968, parenthèse de libération, 1989, écroulement du communisme et instauration d’une république démocratique. C’est là qu’Irena elle revient à Prague et connaît « l'horreur du retour » car tout a changé. La réception qu’elle organise avec ses anciennes collègues lui permet de constater l’écart qui s’est créé pendant ses vingt ans d’absence, un monde qui « veut oublier à tout prix qu'on a souffert.»

Irena doit « déposer ses vingt ans de vie en France sur l’autel de la Patrie et y mettre le feu ». Mais elle en est incapable tant elle s’identifie à sa vie parisienne. Pour Joseph, sa véritable patrie serait plutôt le Paris où il a rencontré et aimé sa femme, décédée depuis.

Kundera met dans son récit les thèmes qui lui sont chers : le temps qui passe, la fragilité des souvenirs, les insuffisances de la mémoire, le poids de la nostalgie… la difficulté d’avoir une vraie relation, écrivant « les gens ne s'intéressent pas aux autres et c'est bien normal ! »

 

                  

 

Irena a suivi son mari à Paris, en 1968 et depuis elle fait les rêves de tous les émigrés : elle s’envole toutes les nuits vers son pays natal, comme dans les tableaux de Chagall où on voit des petits couples d’exilés qui flottent dans les airs au-dessus de leur village de Russie.

La ville de Prague aussi joue un rôle important, où tout se noue et se déjoue. Prague qui, au sortir du communisme, est devenue rapidement capitaliste et mercantile où Kafka devient la grande icône des marchands de tee-shirt...

 

        

 

Mais voilà, Irena rappelle trop à Josef son exil, sa souffrance. Elle, de son côté, éprouve beaucoup de mal à faire face à cette nouvelle situation et il se doute bien que rester ensemble signifie vivre dans les souvenirs, la nostalgie et les regrets, à se rappeler le bon vieux temps et à regretter que plus rien ne soit comme avant.
Josef sait qu’ils ne peuvent pas avoir d’avenir ensemble et il décide de partir, de laisser tout ce qui le ramène à la Tchécoslovaquie et aux années de l'exil.

 

Le thème de l'exil chez Kundera

Les personnages de Kundera sont tous, à un degré ou à un autre, des exilés, des êtres coupés de leur passé qui portent sur lui des sentiments contrastés, le rejetant ou voulant renouer avec lui. Le suédois Gustaf aime Prague parce qu’elle le libère de sa famille, certains Tchèques comme le frère de Joseph ou son ami N qui sont restés dans leur pays, y vivent comme frappés d’une espèce d’amnésie.

Le retour d’exil d’Irena et de Joseph rend leur intégration impossible ; Joseph deviendra ainsi un exilé pour toujours, veuf de sa femme aussi bien que de sa patrie. [1] On pourrait dire en généralisant que L’ignorance a pour thème la condition humaine confrontée à l’émigration et à un monde qui lui échappe.

 

Notes et références
[1] On pourrait dire la même chose de Ludvik dans La plaisanterie, Jaromil dans La vie est ailleurs, Jakub dans La valse aux adieux ou Tomas et Tereza dans L’insoutenable légèreté de l’air.
  

 

Voir aussi
* Jean-Dominique Brierre, Milan Kundera, une vie d'écrivain, éditions de L'archipel --
* Mes fiches sur Milan Kundera --
* Autres oeuvres : L'Immortalité -- Sa trilogie "tchèque" :  La plaisanterie -- La vie est ailleurs -- La valse aux adieux --

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23 juin 2019 7 23 /06 /juin /2019 14:09

Sagittaire et Gémeau

          Sagittaire, cathédrale de Chartres

 

Entre sagittaire et gémeau

Et voilà donc ce soir sagittaire et gémeau
Réunis en un si charmant duo.
Au début, il lui glissait de doux petits mots
Et elle songeait : « Oh, mais quel culot ! »
Il se disait « Oh mazette, elle est vraiment trop ! »
Et elle : « Oh, il me paraît très comme il faut. »
Lui : « Ah, vraiment, j'ai beaucoup de pot »,
Elle : « Oh, quel beau profil latino ! ».

Il voulut quand même y aller mollo, mollo
Ayant peur de se prendre un rateau,
Mais il songea : « C'est dit, je me jette à l'eau... »
Et elle alors : « Ah enfin, ce n'est pas trop tôt. »
Sans plus attendre, il s'exécuta aussitôt..
Enfin presque... Presto ma non tropo.

 

Ensuite, ils allèrent jouer les tourtereaux
Très loin, jusqu'aux confins du Colorado,
Admirer, du haut du Golden gate, les eaux
Profondes de la baie de San Fransisco,
S'en aller enfin jusque chez les Navajos
Pour gagner les grands parcs dans leur petite auto.

 

Maintenant qu'a été béni l'anneau
Et qu'ont été déballés les cadeaux,
Il nous reste à saluer nos héros

En leur donnant un grand coup de chapeau.

Voilà, entre un sagittaire et une gémeau,
Ô, sans aucun doute, la vie c'est du gâteau ! 

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À Claudie et Fabien -Dédicace -

En ce jour que j’espère béni des dieux,
Qui consacre devant nous votre vie à deux,
Maintenant que tu viens de couronner ta reine,
Que tu l’as ainsi reconnue comme tienne,
À travers ces marques de tendresse qu’on sème,
On voudrait simplement vous dire qu’on vous aime.

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Ode au mariage

Voici venu le temps pour Claudie et Fabien
De consacrer officiellement ce lien
Imprescriptible qui désormais les unit, 
Devant la famille et les amis réunis.
Après certes un certain temps de réflexion

Qui a sans doute conforté leur décision,
La situation s’est très vite décantée
Et les préparatifs se sont accélérés.

 

Aujourd’hui que le temps a suspendu son vol,
Que le prêtre a revêtu sa plus belle étole,
Un temps comme une parenthèse, aboli
Pendant le déroulé de la cérémonie,
Une nouvelle page s’est ainsi tournée
Sur le chemin tracé de votre destinée.
À l’église, l’émotion nous a étreints,
Dans les échos imposants du rite chrétien
Et maintenant, toute l’assistance s’apprête
Autour de la table pour poursuivre la fête.

 

Votre bonheur, c’est d’abord bien sûr d’être ensemble,
D’aller ainsi d’un même pas, de marcher l’amble,
De se chercher dans des gestes juste esquissés,
Des riens qui dévoilent de tendres affinités,
Et c’est aussi dans ces doux instants, quelque part,
Que passe l’indicible émotion d’un regard.


Car nous voilà ainsi tous ensemble ce soir
Au sein de cette belle abbaye de Talloire
Pour communier dans ces moments solennels, 
En apprécier tout ce qu’ils ont d’exceptionnel,
En profiter pour adresser à tous les deux
Nos souhaits les plus sincères et nos meilleurs vœux
De prospérité, de succès et de bonheur
Tout simplement et du plus profond de nos cœurs.

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< Ch. Broussas • © CJB  ° • 13/02/ 2019  >
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Acrostiche à Fabien

Finaud, il le faut dans bien des cas,
Affable mais sans trop d'afféterie
Bien sûr, qui volontiers vous sourit,
Impassible souvent face aux tracas
Et demeurant alors assez serein,
Ne cherchez pas plus loin : c'est Fabien.
 

Acrostiche à Claudie

Candide tel le héros de Voltaire,
L’allure si gracile et volontaire,
Au fond des yeux une douce lueur,
Un sourire adorable comme un cœur,
De longs cheveux blonds dans l’air voletant
Inondent en vagues ses belles épaules
En un soyeux déroulé ondoyant.


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< Ch. Broussas • © CJB  ° • 13/02/ 2019  >
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Sonnet aux souvenirs

Comment ne pas évoquer le passé
Comme autant de si merveilleux moments,
En petits bonheurs grappillés au temps,
Au détour de quelques instantanés.

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Comment aujourd’hui ne pas convoquer
Quelques images de nos souvenirs
qui affleurent et qu’on peut ainsi cueillir
Lorsque l'on aime et que l'on est aimé.

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Ô quel cœur pur, ô quelle âme bien née,
Il me souvient de ces yeux étonnés,
Quelques perles de joie, sel de ma vie.
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Ce jour si particulier a scellé
Ainsi, pour la vie, nos deux destinées
Car ma foi, tu seras toujours ma mie.
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< Ch. Broussas • © CJB  ° • 10/06/ 2019  >

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22 juin 2019 6 22 /06 /juin /2019 21:00

     

Les belles villas aux allures de châteaux
S'étagent tout au long du versant des coteaux,
Sur la côte rocheuse jusqu'à Rapallo,

Se mirant dans les reflets bleutés de ses eaux,
Et dans les criques du golfe de Tigullio
De luxueux navires voguent sur
ses flots
.

« Demi-lune autour d’un bassin silencieux »
Avait noté Maupassant visitant les lieux.
Autour du petit port et de la "piazzeta"
Se rassemblent écrivains, musiciens et divas
Bercés par des airs entraînant de villanelle,
qui se baladent dans les petites venelles
Bordées d’étroites maisonnettes aux couleurs vives,

Insensibles encore à la chaleur qui arrive,
Montant jusqu’au pied de l’église San-Giorgio
Et vont déguster des lasagnes au pesto.
 

Aux vastes panoramas de ses toits-terrasses,
On sent bien qu'ici et dans les îles en face,
Dans le bel éclat de ses somptueux palaces,
Tout s'accorde et le malheur n'y a pas sa place.

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< Ch. Broussas • © CJB  ° • 22/06/ 2019  >

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9 juin 2019 7 09 /06 /juin /2019 20:33

Référence : Thierry Laget, Proust prix Goncourt 1919, éditions Gallimard, collection Blanche, 272 pages, avril 2019

 

Une émeute littéraire

                  
Jacques Emile Blanche - Portrait de Marcel Proust - 1892 - Musée d'Orsay --

 

Déjà en 1913, Marcel Proust penser bien se faire couronner prix Goncourt pour le premier tome d’À la recherche, intitulé  Du côté de chez Swann.  [1]
Restaurant Drouant, 10 décembre 1919 : Cette fois, c’est fait, mais le monde littéraire apprend avec stupeur que le prix Goncourt 1919 est attribué à Marcel Proust pour son roman À l'ombre des jeunes filles en fleurs, deuxième tome d’À la recherche du temps perdu.

 


Placard manuscrit inédit de "A l'ombre des jeunes filles en fleurs"

 

Aussitôt c’est le tollé : éclate un tonnerre de protestations, tout le monde vilipende cette attribution au nom de considérations aussi oiseuses que contradictoires. Les voix des anciens combattants se mêlent à celles des pacifistes, des réactionnaires, des révolutionnaires. Tous ceux qui se sentent humiliés ou insultés par un livre qui, ressuscitant le temps perdu, semble dédaigner le temps présent.

 

         

 

Pendant des semaines, Proust est descendu en flamme par une bonne partie de la presse, brocardé, injurié, parce qu’il n’est plus très jeune [2], riche en plus, être passé à travers la guerre, ne pas écrire sur les poilus et leur vie dans les tranchées, au miment où sortait L’Enfer de Barbusse.
Parmi les Goncourt, seuls au départ Léon Daudet et J-H Rosny sont acquis à Proust. Les autres penchent  plutôt pour un roman qui lui, est vraiment dans l’air du temps : Les croix de bois de Roland Dorgelès.

 

Proust, agacé par l'hostilité dont il était l'objet et les coups bas qu'il recevait, mais sûr de lui, écrira à Gaston Gallimard : « A propos du prix Goncourt, le seul plaisir qu’il me donne est de penser qu’il est un peu agréable à la NRF, à vous avant tout, […] à qui il peut laisser espérer d’avoir pris un pas trop mauvais ouvrage et qui durera assez ».

Pour commémorer le centenaire de ce prix, une exposition a été organisée qui réunit manuscrits originaux, correspondance de Proust et Gallimard ou le plus célèbre portrait de l’écrivain.
 

 

            
Proust : Les essentielles

Cette exposition présentée dans la Maison de la tante Léonie à Illiers-Combray [3] permet de voir des documents exceptionnels : le contrat d’édition de la célèbre "Recherche" signé par Marcel Proust et Gaston Gallimard, ainsi que les lettres échangées entre l’éditeur et l’écrivain, qui donnent un nouvel éclairage aux relations entre l’écrivain et son éditeur, faites de respect et de passion, correspondance qui donne une idée de la façon dont l’œuvre a germé et évolué dans l’esprit de Proust et les pratiques éditoriales de l’époque.


 
On peut également y voir les épreuves d’imprimerie corrigées et augmentées par Marcel Proust et un rare exemplaire de luxe de sa saga, la lettre des jurés du prix Goncourt annonçant l’attribution du prix.

 

Enfin, deux particularités attendent le visiteur : d’abord le manuscrit inédit sur lequel l’État a exercer son droit de préemption et autre pièce majeure, le célèbre portrait de l’écrivain par Jacques-Émile Blanche,  prêté par le Musée d’Orsay. 

 

           

 

Notes et références
[1]
Voir les deux ouvrages que Thierry Laget a consacrés à cet ouvrage : "Du côté de chez Swann" et "Un amour de Swann"
[2] Alors que le testament d’Edmond de Goncourt spécifiait bien que le prix devait aller à l’originalité du talent mais aussi à la jeunesse.
[3] Exposition à la Maison de Tante Léonie – Musée Marcel Proust

Place Lemoine – 28120 Illiers-Combray

<< Christian Broussas – Proust, Goncourt - 9/06/2019 <> © • cjb • © >>

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7 juin 2019 5 07 /06 /juin /2019 18:38

Référence : Yasmina Khadra, L'outrage fait à Sarah Ikker, Éditions Juillet, 2019

 

 
                                             Khadra dédicaçant son livre


L’auteur

Reconnu par des écrivains aussi prestigieux que les prix Nobel Gabriel Garcia Marquez, J. M. Coetze et Orhan Pamuk, Yasmina Khadra a été couronné deux fois par l’Académie française.
Adaptés au théâtre et en bandes dessinées, plusieurs de ses ouvrages ont été adaptés au cinéma, comme MorituriCe que le jour doit à la nuit (Alexandre Arcady, 2012), L’Attentat (Ziad Doueiri, 2013 et prix des libraires 2006) ou Les Hirondelles de Kaboul  (film d’animation par Zabou Breitman, 2019).
Il a également co signé les scenarios de La Voie de l’ennemi  et de La Route d’Istanbul, réalisés par Rachid Bouchareb. 

 

Le titre définit bien le thème du roman : quelqu’un a outragé, a sali Sarah dans son corps et son esprit. Pourtant rien ne semblait pouvoir mettre des nuages dans le ciel pur de Sarah et de Driss.
Mais quand le hasard s’en mêle, quand on se trouve au mauvais endroit au mauvais moment…

 

            

 

Présentation du roman

Sarah s’est recroquevillée sur elle-même, refermée comme une huitre. Que peuvent-ils maintenant devenir, qu’est alors leur couple dans cette tourmente ? Driss ne sait comment s’y prendre avec cette nouvelle Sarah qu’il ne connaît pas. Elle lui en voulait aussi de se préserver, de ne pas la veiller jour et nuit pour essayer d’exorciser ses démons, des images qui la persécutent. Driss n’entrevoit guère qu’une solution pour lutter contre cette dérive qui les hantent : : identifier celui qui a profané leur bonheur.

 

Sarah aurait tant aimé que son mari se réveille et qu’il la surprenne penché sur lui, pareille à une étoile veillant sur son berger. Mais Driss ne se réveillerait pas. Restitué à lui-même, il s’était verrouillé dans un sommeil où les hantises et les soupçons se neutralisaient, et Sarah lui en voulait de se mettre ainsi à l’abri des tourments qui la persécutaient.

Aucun ange ne t’arrive à la cheville, lorsque tu dors, mon amour, pensa-t-elle. Pourquoi faut-il qu’à ton réveil tu convoques tes vieux démons, alors qu’il te suffit d’un sourire pour les tenir à distance ? Couple comblé, Sarah et Driss Ikker mènent la belle vie à Tanger jusqu’au jour où l’outrage s’invite à leur table. Dès lors, Driss n’a plus qu’une seule obsession : identifier l’intrus qui a profané son bonheur conjugal.

 

           

 

Extraits d’une interview

Ce livre, confie Yasmina Khadra dans une interview qu’il a écrit d’abord ce roman par égard pour les « dames de Tanger », l’espoir un peu fou de voir un jour un Maghreb unifié et comme un hommage au roman policier, genre qu’il affectionne et qu’il voudrait réhabiliter.

 

Il est particulièrement affect par la corruption dont il dit « qu’elle relève de la rapacité… une sorte de boulimie qui trahit l’inconsistance des consciences.. » Il fustige cette soif éperdue de l’enrichissement qu’il constate et qui est sans doute due au renoncement aux valeurs positives.

Il dit ne jamais démarrer un livre « s’il  n’est pas déjà bien ficelé dans ma tête, » réfléchissant au comment structurer son texte et camper ses personnages.

 


« Lorsqu'on ne trouve pas un sens à son malheur, on lui cherche un coupable. »
Yasmina Khadra et Kamel Daoud

 

Il fait aussi référence à plusieurs films noirs car confie-t-il, c’est un grand cinéphile qui fonctionne « avec une caméra incrustée dans le cerveau. » Il faut qu’il visualise les scènes pour mieux décrire les situations et ses personnages. L’écriture et le cinéma à eux deux nourrissent son imaginaire et lui permettent de structurer ses romans un peu comme on le fera pour un film.

 

Et justement, il pense que toute adaptation, cinématographique ou théâtrale, est une chance pour un roman d’élargir son audience et de toucher d’autres publics, « si j’avais le talent de metteur en scène, ajoute-t-il, je réaliserais moi-même une grande partie de mes livres. » Si son roman finit par les mots « à suivre », ça signifie qu’il envisage effectivement une suite à ce premier tome des aventures de Driss, de Slimane… et d’autres personnages.

 

Voir aussi
* Les hirondelles de Kaboul --

<< Christian Broussas – Khadra, S. Ikker - 7/06/2019 © • cjb • © >>

 
 
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6 juin 2019 4 06 /06 /juin /2019 13:59

Référence : Delphine de Vigan, Les gratitudes, éditions Jean-Claude Lattès, mars 2019

 

      
                                Lors de son prix Renaudot en 2015

« Un roman d'une rare puissance sur les dettes morales et ces liens invisibles qui nous gouvernent. » Le Figaro

 

Les gratitudes, ces petits riens si importants qui constituent l’un des fondements essentiels des sentiments humains, ce qui est en nous et qui restent constamment intactes.
Dans la lignée de son précédent roman Les Loyautés, Delphine de Vigan se coltine ici à un thème si difficile, ponctué parfois de références autobiographiques, qu'elle s’efforce de traiter avec  une dose de légèreté et  d'humour suffisante pour éviter de tomber dans le mélo.


Une histoire de gratitude croisée entre Michka et Marie, de la part de Michka aussi, qui voudrait retrouver ceux qui l’ont sauvée pendant l’Occupation.   

 

    

 

On a parfois du mal à établir un lien entre le portrait de telle personne  dans tout l’épanouissement de sa jeunesse et la personne qu’on a en face de soi, la personne telle qu’elle est aujourd’hui. Entre ces deux corps qui n’en forment pourtant qu’un, rien ou presque ne semble les relier, sauf peut-être un port de tête, une mimique, un geste pris comme dans un instantané, entrevus au détour d’une réaction.

 

Michèle Seld, qu’on appelle Michka, peut de moins en moins rester chez elle, être autonome car pour elle, le diagnostic est simple, un mot tombe : aphasie. C'est Marie, une aide à la personne qui va lui dégotter une place dans une maison de retraite. C’est un grand cœur Michka mais les mots ne suivent plus. Elle pense un mot et il en vient un autre, les consonnes et les voyelles se mélangent et ça donne de drôles de combinaisons, un mot pour un autre ou qui tombe impromptu, sans lien avec le contexte, du genre : « Franchement, compte-tenu des circonflexes, une petite cigarette, ce ne serait pas du fluxe. » Non, ce n’est du verlan, c’est du Michka.

 

   

 

Heureusement, Marie est là, qui fait ce qu’elle peut avec ses tonnes de tendresse à dispenser, aidée de Jérôme, l’orthophoniste qui l’écoute, qui prend le temps et tente de retarder l’inéluctable. Il possède une vision très haute de son travail, disant : « Je suis orthophoniste. Je travaille avec les mots et avec le silence. Les non-dits. Je travaille avec la honte, le secret, les regrets. Je travaille avec l'absence, les souvenirs disparus, et ceux qui ressurgissent, au détour d'un prénom, d'une image, d'un parfum. Je travaille avec les douleurs d'hier et celles d'aujourd'hui. Les confidences. Et la peur de mourir. »

 

  

 

Si c’est « Un roman tendre et attachant » comme aiment à l’écrire des critiques comme celui du Figaro, d’autres comme celui du Nouvel Obs ou Frédéric Beigbeder sont plus réticents, trouvant que le roman dégouline de beaux sentiments plus près du conte pour enfants que de la réalité, dans un univers assez idyllique.
 

Faut-il alors conforter André Gide qui disait : « On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments. »

 

Avec Emmanuelle Seigner

Mes fiches sur Delphine de Vigan
* Les gratitudes -- Les loyautés --
* Les heures souterraines -- D'après une histoire vraie -- 

<< Christian Broussas – Les Gratitudes - 6/06/2019 <><> © • cjb • © >>

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