Portrait de Lucien Bonaparte en 1808 par François-Xavier Fabre
Cédric Lewandowski , Lucien Bonaparte le prince républicain
Lucien Bonaparte (1775-1840), Un homme libre


Lucien Bonaparte, le vilain petit canard de la famille.  Et ça commence mal. Révolutionnaire, secrétaire de Pascal Paoli, il se brouille avec lui, ourdit en 1793 une vengeance qui rate et vaut à toute la famille Bonaparte son bannissement de Corse. L’année suivante, il est emprisonné en raison de son amitié avec Robespierre mais Napoléon, depuis peu général, le sauve de cette situation.
 

         
Trois de ses fils : Charles Lucien Bonaparte, Le prince Pierre Bonaparte et Louis Lucien Bonaparte

 

Dès lors, il va prendre son envol et soutenu par Barras, devenir député au Conseil des Cinq-Cents puis son président en 1799. Préparant le coup d’état du 18 brumaire avec Sieyes, Cambacérès et Talleyrand, il jouera un rôle important dans sa réussite en haranguant l’Assemblée au moment opportun. [1] Ministre de l’intérieur du Consulat, il réussit à se brouiller avec son frère qui le nomma cependant ambassadeur en Espagne puis sénateur en 1802.

 


Alexandrine de Bleshamps                                             Christine Boyer par le baron Gros
Lucien Bonaparte, dessin par Ingres, entre ses deux épouses

 

Le clash avec son frère va venir de son remariage avec Alexandrine de Bleschamp veuve Jouberthon sans même que Napoléon en fût averti. Il entra paraît-il dans une de ces fureurs dont il avait le secret et que Talleyrand a fort bien décrite, ne laissant à Lucien que le choix d’aller se réfugier auprès du pape dont il avait gagné l’amitié. Dès lors, il sera persona non grata. Entre eux, c’est la guerre et Lucien aurait répondu au futur empereur que lui aussi a épousé une veuve (Joséphine), femme aux mœurs légères et à la réputation douteuse sous le Directoire.

 

      
Serge Reggiani dans le rôle de Lucien Bonaparte dans le film Napoléon de Sacha Guitry
La princesse Zénaïde Bonaparte et sa sœur Charlotte [2] peintes par David

 

Napoléon qui avait tant de difficultés pour procréer, devait être jaloux de ce frère qui fit dix enfants à ses deux épouses, dont certains eurent des vies passablement décousues qui embarrassèrent le tonton pendant le Second Empire, jusqu’à ce Pierre Bonaparte (fils de Lucien) qui assassina le journaliste Victor Noir.
Grosse bavure !

 

    
Carte postale commémorative Lucien Bonaparte et le brumaire
Marie Bonaparte la psychanalyste, arrière petite fille de Lucien Bonaparte



Bref, Lucien se fixe près de Viterbe à Canino avec sa nombreuse famille, toujours sous la protection du pape. Mais le périple continue : il part pour les États-Unis mais les anglais arraisonnent son bateau et le retiennent prisonnier jusqu’en 1814.

 

Il profite des Cent-Jours pour renouer avec son frère mais l’embellie est de courte durée  et après Waterloo, il retourne à Rome, proscrit sous la Restauration. Toujours bien vu de la papauté, il est fait prince de Musignano par Léon XIII et prince Bonaparte par Grégoire XVI et meurt trois ans plus tard dans sa retraite italienne en 1840.

 

  
Œuvres de Lucien : ses Mémoires, Vases étrusques, La tribu indienne

 

S’il occupa assez peu de temps l’hôtel de Brienne (actuellement ministère de la défense) qu’il acquit en 1802, Lucien Bonaparte fut un bon serviteur de l’État, en témoigne son rôle éminent dans la création du corps des préfets. Il montra aussi son efficacité comme ministre de l’Intérieur, ambassadeur à Madrid, très impliqué dans la création de la Légion d’Honneur et l’adoption du Concordat, ce dont la papauté lui sera particulièrement reconnaissante.

 

    
L'hôtel de Brienne (ministère de la Défense)

 

Ce républicain convaincu s’opposera à son frère, lui reprochant son autoritarisme, espérant lors des Cent-Jours, en un pouvoir plus libéral, ayant toujours une nostalgie pour une République consulaire qui restera son modèle. Sans oublier le Parlement où il a siégé, il plaidera toujours pour un pouvoir exécutif fort, élu au suffrage universel.

 

           

Armoiries de Lucien Bonaparte : Canino et les Cent-Jours
Buste de Lucien à Ajaccio

 

Lucien Bonaparte était un homme qui « portait beau », dépensier et mauvais gestionnaire au point d’utiliser favoritisme et concession, critiquant ouvertement  la politique de son frère mais il fut aussi féru de littérature, fréquentant le salon de madame de Récamier et protégeant le chansonnier Pierre Béranger.

 

   
Vase étrusque de Lucien Bonaparte    La vérité sur les Cent-Jours par Lucien Bonaparte
Christine Bonaparte, fille de Lucien [3]

 

Il écrivit également des ouvrages comme un poème épique sur Charlemagne, deux livres historiques sur le Dix-huit brumaire et Les Cent-Jours, ses Mémoires en 1836, un peu avant sa mort, ce qui lui valut d’être admis à L’Institut et de siéger à l’Académie française.

 

Après 1815, il se consacra à l’archéologie effectuant des fouilles dans les nécropoles étrusques de Vulci, Cornetto et Canino. Il  découvrit ainsi quelque 15 000 vases qui revendit par la suite dans de grandes ventes au cours des années 1830.

 

          

 

Notes et références
[1]
Voir en particulier « Lucien Bonaparte et le coup d'État de Brumaire », Jacques-Olivier Boudon, Parlements, Revue d’histoire politique, 2009  et sa Présentation sur internet .

[2] Zénaïde Bonaparte, la fille de Joseph frère aîné de l’empereur a épousé Charles Lucien, fils de  Lucien Bonaparte et père de Joseph Lucien Bonaparte
[3] Christine Égypta Bonaparte (1798-1847), fille puînée de Lucien, princesse française et altesse impériale en 1815, mariée en 1824 à Lord Dudley Coutts Stuart, député à la Chambre des communes.

 

       
Deux des petits-fils de Lucien : le cardinal Lucien-Louis Bonaparte et Joseph-Lucien Bonaparte [2]
Vase étrusque de Lucien Bonaparte

 

Voir aussi
* Généalogie de Lucien Bonaparte --
* Biographies consacrées à Lucien Bonaparte :
- François Piétri,Lucien Bonaparte à Marid,  éditions Grasset, 1951
- Gilbert Martineau, Lucien Bonaparte prince de Canino, éditions France-Empire, 1989
- Antonello Pietromarchi, Lucien Bonaparte, le frère insoumis,  éditions Perrin, 384 pages, 2004
- Cédric Lewandowski, Lucien Bonaparte, le prince républicain, Paris, Passés composés, 2019

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