Avec Charles Dullin

Le sergent de Monêtier-les-Bains

Pendant l’été 1928, un jeune couple de Normands Lucienne et Armand Salacrou se balade en Haute-Provence et  décident de s’installer dans le village de Monêtier, au pied du Lautaret dans la vallée de Briançon : « Nous nous arrêtâmes au Monêtier-les-Bains, l’hôtel, comble, nous logea chez l’habitant et ce fut chez une vieux montagnard du pays, sergent retraité. »

Ils forment, comme on dit, un beau couple, elle éclatante et lui plein d’entregent et d’énergie. Il cherche encore sa voie, après des études de droit et de philosophie, il voudrait s’orienter vers le journalisme et le cinéma. Mais pour l’instant, il s’occupe de publicité, en particulier de promouvoir le produit phare anti-poux mis au point par son père et commercialisé sous le nom de "Marie-Rose".

                 

À Monêtier, il se lie d’amitié avec son hôte : « Je suis étonné par la douceur, le calme de ces retraités qui reviennent installer leur mort au village de leur enfance. » Il lui fait découvrir la montagne, cheminant « dans les sentiers de chèvres » pour cueillir du génépi, « une balade vers deux mille mètres à la recherche de cette herbe odorante et nous redescendîmes, talons bien calés, en glissant sur des névés dont je découvrais l’existence. Ce fut pendant des années un souvenir éblouissant… »

                         

C’est pour lui une découverte, d’une certaine façon de vivre autant que de lui-même, « je ne formulais pas encore cette évidence que je n’aime le soleil que dans le froid, dans les neiges des montagnes, que je ne respirais avec bonheur qu’au-dessus de mille mètres. » Ce Normand se découvre une vraie dilection pour le rude climat montagnard des Alpes, cet air pur des cimes qui, pense-t-il, lui manqueront une fois les vacances terminées.

        

Quand il ne s’adonne pas aux plaisirs de la montagne, il reprend l’écriture d’une pièce de théâtre Les Frénétiques, qui n’a certes pas la valeur de ses deux plus grands succès, Une femme libre parue en 1934 et L’inconnue d’Arras l’année suivante. Il connaîtra alors beaucoup de succès et sera même élu membre de l’Académie Goncourt en 1949.

À la fin de sa vie, comme le raconte sa fille Laurence dans ses souvenirs, [1] il repense souvent à "ses" montagnes quand « des blocs de nuages se bousculaient en chaos au-dessus de la mer et le soleil derrière, lançant de grands jets de lumière entre les failles, y sculptait les glaciers et les cimes de leurs vacances d’autrefois. » une grande nostalgie pour évoquer ces montagnes que, il le sait, il ne reverra pas.

               

Notes et références
[1] Laurence Salacrou, L’ombre d’un roi, éditions Calmann-Lévy

Voir aussi
* Armand Salacrou, Dans la salle des pas perdus, tome 1 : C’était écrit, éditions Gallimard
* Salacrou : L’alpinisme mène à tout --

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